© Illustration : Romain Ronzeau, Okapi n° 1231.

Parents-ados : comment se faire confiance ?

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Les demandes de conseils pour obtenir plus de confiance et moins de contrôle parental sur les devoirs, les écrans, les sorties… reviennent souvent dans les courriers que les 10-15 ans adressent à la rédaction du magazine Okapi. Si vous avez un·e ado à la maison, il y a fort à parier que ce sujet s’invite aussi régulièrement dans vos discussions et qu’un terrain d’entente n’est pas toujours facile à trouver. Les pistes d’Okapi à essayer côté enfants… et parents.

L’enfant qui devient adolescent, qui vit ses années de collège synonyme de puberté, d’aspiration à ne plus être considéré comme « petit », cet enfant-là donc, le nôtre, le vôtre, grandit ! Peut-être plus vite que ce que l’on croyait, peut-être même plus vite que ce que l’on aurait aimé… Mais oui, il change, et cela commence aussi à se voir à ce type de revendications. Il veut de la confiance pour gérer ses écrans (au lieu de se voir infliger un contrôle parental), de la confiance s’il veut aller chez une copine après les cours ou sortir seul, de la confiance sur le fait qu’il a terminé ses devoirs (sans qu’on soit sur son dos)…

Bien sûr, quand Okapi est appelé à la rescousse par les ados qui lui écrivent, sa réponse ne peut être uniforme, et il faut bien un article de trois pages pour apporter de la nuance à ce que l’ado doit être incité(e) à comprendre. D’abord, que l’on n’est pas dans la même situation si l’on pose cette demande à 11 ans et en début de 6e et si l’on a déjà 13 ou 14 ans avec une longue expérience du collège, déjà, derrière soi. Ensuite que non, le temps d’écran, parfois, ça n’est pas négociable, et qu’il est normal que les parents y mettent des limites, et même un contrôle, tant il est vrai que même avec celles-là, il est parfois difficile d’empêcher les débords. Et tant il est vrai aussi qu’un contrôle, c’est un moindre mal dans une époque où les écrans sont incapables d’apporter toutes les garanties.

Enfin, l’ado doit admettre que oui, encore, on peut aussi se planter quand on a 12 ou 13 ans, malgré toute sa bonne volonté : demander de la confiance, se la voir accorder, et ensuite « trahir » cette confiance, en ne respectant pas les consignes, en bâclant ses devoirs, en se couchant trop tard… Ça ne veut pas dire qu’on a tout faux et que plus jamais le parent ne fera confiance, cela signifie juste qu’il faut savoir se regarder en face, reconnaître ses torts, accepter qu’éventuellement, il faille ensuite refaire ses preuves…

Et côté parents, que pouvons-nous faire pour montrer que nous entendons la demande, sans pour autant accorder trop, trop facilement, trop vite ? De nombreux experts le disent, il faut fixer le cadre et le tenir ! Qu’il soit clair et bien compris par son ado, comme un contrat qui s’installerait entre les deux parties. Enfreindre la règle, cela peut arriver, cela n’est pas dramatique en soi (la transgression, c’est connu, fait aussi partie de l’apprentissage…), mais cela appelle une suite : une remarque, un « recadrage », histoire que le cadre, justement, ne tombe pas aux oubliettes…

Autre conseil, qu’Okapi ne cessera jamais de répéter dans ses pages à l’usage des ados, mais qui peut s’entendre aussi, bien sûr, côté parents : il faut se parler, être curieux de ce que fait l’autre, y montrer de l’intérêt… Tu veux jouer plus longtemps avec ta console ? Très bien, explique-moi d’abord ce que tu y fais et pourquoi c’est si important que je t’accorde un quart d’heure de plus. Tu as une évaluation à réviser en histoire ? Et si je te faisais réciter le cours ? Après tout, j’ai envie d’en savoir plus, moi aussi, sur l’organisation de la société au Moyen Âge, parce qu’à ton âge, je me souviens que ça ne voulait pas rentrer ! Une histoire de confiance qui se donne, mais qui se partage aussi.

Jean-Yves Dana, rédacteur en chef du magazine Okapi

Couverture du magazine Okapi n° 1231, 1er novembre.
Couverture du magazine Okapi n° 1231, 1er novembre 2025, dont est extrait l’article ci-dessous.

Pourquoi as-tu à l’adolescence plus de mal à accepter les règles ?

Avant, ta préoccupation était de plaire à tes parents : jouer avec eux, décrocher des bonnes notes, montrer que tu es sage… Patatras ! Gros chamboule-tout depuis la rentrée : ta personnalité s’affirme, tu as d’autres centres d’intérêt… Depuis, tu te sens un peu trop surveillé(e). Et gagner en liberté est devenu ton idée fixe. Tu as envie de veiller plus tard, tu veux choisir ce que tu fais de ton temps, en passer plus avec tes potes, etc. En gros : tu veux être considéré(e) comme un(e) grand(e)…

Pourquoi ça coince avec tes parents ?

À tes yeux, tes parents ignorent les changements qui s’opèrent en toi, et ils t’oppressent à force de fixer trop de limites. Aveuglement de leur part ? Pas si vite ! Ils voient bien ce qui se passe. Parlons plutôt d’inquiétude de leur part devant une situation qui évolue un peu trop vite. Leur enfant a grandi et ils n’y sont pas préparés, encore plus si tu es l’aîné(e) ou enfant unique. Ils pensaient te garder encore un peu sous leur protection, laisse-leur le temps de s’adapter… Ce n’est pas une période facile pour eux non plus.

Que faire pour gagner la confiance de tes parents ?

Tes parents ne t’accorderont pas tout de suite une confiance absolue dans tous les domaines, et c’est bien normal. Ils vont procéder par étapes, tester la façon dont tu t’en sors. Et les autorisations ne seront pas les mêmes selon que tu es en 6e ou en 4e, par exemple. Du coup, plus tu te montreras à la hauteur de leurs attentes, plus ils seront prêts ensuite à faire un pas de plus. Alors oui, c’est sans doute frustrant aujourd’hui, mais dis-toi que c’est le jeu. Et que la confiance, ça se gagne et ça se mérite.

Par où commencer ?

Prendre le bus en solo, rester seul(e) à la maison durant une sortie des parents, gérer toi-même ton budget, faire tes devoirs sans qu’ils aient besoin de vérifier, etc. Avec tes parents, tu peux commencer par verbaliser ton souhait prioritaire – en la jouant modeste au début ! Ce sera peut-être une formalité et ils diront oui tout de suite, mais peut-être pas ! Il faudra alors faire l’effort de les convaincre lors d’une “vraie” discussion avec eux, où tu leur montreras ta maturité. Prépare bien tes arguments et parle sans t’énerver.

En cas de boulette, tu fais quoi pour regagner la confiance de tes parents ?

Ils t’ont fait confiance, mais tu as joué sur ta console au lieu de préparer une interro et ta note est décevante ? Ou tu as oublié de les prévenir que tu rentrerais tard ? Faire une bêtise, ça arrive. Est-ce que ça veut dire que tu n’es pas prêt(e) ? Non, tout n’est pas perdu, même si ça peut refroidir tes parents. Le plus important, c’est d’assumer ton erreur, de ne pas la dissimuler, et d’accepter s’ils reviennent un temps sur leur décision. En te montrant honnête, tu révèles aussi ta maturité. Une preuve que tu sais aussi te montrer digne de leur confiance !

Moins de contrôle sur les écrans ?

Tes parents ont installé un contrôle parental sur ton téléphone ou ta console, et tu le vis mal ? Détends-toi, ils sont dans leur rôle. Il s’agit surtout de limiter les risques que tu sois accro aux écrans ou exposé(e) au harcèlement en ligne… N’hésite pas à discuter avec eux de l’usage que tu fais de tes écrans : combien de temps, à quelle heure, pour y faire quoi, est-ce que tu as du mal à décrocher ou pas, ce que tu souhaiterais… Ces discussions les rendront plus compréhensifs. Mais on te rappelle que la loi interdit l’accès aux réseaux sociaux avant 13 ans. Et un projet est en discussion à l’échelle européenne pour fixer la majorité numérique à 15 ans dans le but de protéger les plus jeunes.

Le contrôle parental sur les écrans est pénible pour les ados, mais sa mise en place permet de limiter les risques (harcèlement, addictions…).

Comment inciter tes parents à NE PAS te faire confiance ?

  • Leur mentir ou cacher des choses.
  • Ne pas respecter les règles de base (les horaires, les lieux où tu sors…).
  • Promettre et ne pas tenir (aider à mettre la table, faire les devoirs en avance, respecter le temps d’écran prévu…).
  • Réagir de façon agressive ou fermée.
  • Prendre tout à la légère.

“Les parents prennent surtout en compte le tempérament et l’âge”, Florence Millot, psychologue

« Les ados considèrent parfois que les parents accordent plus de liberté ou de confiance à un garçon qu’à une fille, au prétexte qu’il saurait mieux gérer un danger. Dans la réalité, ce n’est pas toujours le cas. Les ados se persuadent aussi que les autres, les ami(e)s, ont plus de chance, que leurs parents leur accordent plus de permissions. C’est aussi le plus souvent une idée reçue. Dans les faits, c’est en général le tempérament de l’ado – prudent(e) ou casse-cou, etc. – qui compte dans le niveau de confiance parentale. L’âge aussi : pour une tâche importante, les parents font plus facilement confiance à leur aîné, peu importe son sexe. »

Témoignages et questions d’ados sur la confiance parents-enfants

« Mes parents me laissent prendre le train avec mes ami(e)s, et aller en soirée, mais à deux conditions : que j’envoie un SMS et respecte les horaires. Ce n’est pas trop contraignant et c’est surtout pour les rassurer ! » Maëva, 14 ans
« C’est compliqué parce que mon grand frère fait n’importe quoi depuis qu’il sort. Mes parents ont peur que je fasse pareil ! Alors, je me tiens tranquille en espérant les faire changer d’avis. » Loïg, 12 ans
« J’ai fait une très grosse bêtise que mes parents ont découverte. Bien sûr, je me suis excusée, mais ça n’a pas empêché de perdre toute leur confiance. Je sais que c’est difficile, mais je voudrais la récupérer. » Léila, 13 ans
« Mes parents m’ont mis un contrôle parental en milieu d’année comme ma petite sœur… alors qu’en 6e et 5e, je n’en avais pas. J’ai l’impression qu’ils ne me font pas confiance. En plus, ils veulent me bloquer aussi mes RS si je ne suis pas gentille… » Anonyme (fille)
« Depuis quelque temps, je me fâche beaucoup avec mes parents. Ils ne me laissent pas assez d’autonomie, alors que j’ai envie de faire énormément de choses (créer une chaîne YouTube de musique, un groupe, faire un casting…). J’ai l’impression qu’ils ne me font pas confiance, qu’ils me prennent pour un enfant. » Anonyme (gars)
« Mes parents sont toujours derrière mon dos, je n’ai pas vraiment de liberté. » Célia, 15 ans

“J’aimerais que mes parents me fassent confiance”, article extrait du magazine Okapi n° 1231, 1er novembre 2025. Texte : Jonathan Konitz. Illustrations : Romain Ronzeau.