Générosité : comment inciter son enfant à donner ses anciens jouets ? 

À l’approche de Noël, de nombreuses collectes de jouets sont organisées par des associations, des enseignes ou dans certains établissements scolaires. L’occasion d’accompagner son enfant, même petit, dans l’apprentissage du don.

Depuis quelques années, Agnès a institué un rituel. Dès que ses trois enfants de 11, 9 et 5 ans commencent à feuilleter les catalogues de Noël, elle les invite à faire don de leurs anciens jouets à une association. « Nous expliquons que c’est l’occasion de devenir le Père Noël de quelqu’un et de se faire plaisir. Car donner est aussi gratifiant que de recevoir un cadeau neuf », explique-t-elle. Des valeurs que partage Louise, mère de Gabriel, âgé de 4 ans, qui a déjà tout compris. « Je suis content car je vais donner mes jouets à des copains », lui a-t-il résumé.

Trouver les mots pour expliquer le partage et la générosité

Pour Chiara Pastorini, philosophe et autrice de plusieurs ouvrages pour enfants*, cette démarche n’est pas anodine. « Pour l’enfant, le don est d’abord une expérience vécue avant d’être une notion abstraite. Les jouets ou les livres sont des supports tangibles qui aident l’enfant à comprendre plusieurs choses : la valeur affective des objets, la relation à l’autre, car l’enfant peut comprendre que l’objet peut faire plaisir à quelqu’un d’autre, et la notion de choix, car donner est une décision. Quand il donne, l’enfant se sent acteur, il réalise une modification dans le monde. C’est une expérience très fondatrice. »

Face aux résistances des petits, il est parfois tentant pour les parents de lancer l’opération tri sans les impliquer. Avoir le bon discours peut pourtant motiver les plus récalcitrants. Chez Rejoué, association qui donne une seconde vie aux jouets, la codirectrice Nathalie Ourry adapte son argumentaire : « Donner son jouet fait quatre heureux : l’enfant qui donne, le salarié qui va remettre à neuf le jouet, l’enfant qui reçoit le jouet en super état, et enfin la planète. »

Accompagner son enfant du don intéressé au don altruiste

La première fois peut être difficile, mais Agnès reste marquée par le jour où sa fille Manon l’a accompagnée au Secours populaire. « Elle avait une peluche qu’elle hésitait à donner. Puis nous avons vu une maman qui n’avait vraiment pas de moyens et sa petite fille est arrivée vers Manon en regardant sa peluche lama. Et là, Manon lui a dit “je te l’offre !” En vivant le don, mes enfants réalisent que c’est gratifiant et sont hyper fiers de le faire. »

Pour encourager à donner, certaines enseignes proposent d’offrir des bons d’achat en échange. Se pose alors la question : faut-il des contreparties au don ? « Si on me proposait un bon d’achat je ne le prendrais pas, car je trouve que ça biaise la démarche », tranche Marie, mère de deux enfants de 6 et 9 ans. Chiara Pastorini est plus nuancée. « Il y a un processus d’apprentissage qu’on pourrait diviser en trois phases. On commence avec le don intéressé : on donne parce qu’on est félicité. Ensuite, il y a la phase du don coopératif : on donne parce que cela sert un projet commun. La troisième phase est celle du don altruiste : on donne parce qu’on se met à la place de l’autre et qu’on comprend ses besoins. »

Vivre en famille le cercle vertueux du don

Dans les familles qui ont instauré cette habitude, la démarche devient automatique. À chaque fois que les enfants d’Agnès participent à un vide-grenier, ils gardent à disposition une caisse de jeux à donner, qu’ils sortent dès qu’ils le jugent opportun. Chez Marie, ses deux enfants ont aussi acquis des réflexes. « Nous avons un bac dans l’entrée qu’ils ont fait eux-mêmes et sur lequel ils ont inscrit “bac à tri”. Ils l’ont bien à l’esprit et ont compris qu’on donne pour que d’autres puissent jouer à leur tour. » Une façon d’être généreux toute l’année, et pas uniquement à la période de Noël.

Hélène Guinhut

* Philosophe et autrice jeunesse, Chiara Pastorini a écrit 100 questions (hautement) philosophiques que vous posent vos enfants (éditions Solar) et Les vrais sages sont des rebelles (éditions Nathan).