Votre enfant grandit, certes. Mais pas question pour l’instant, malgré ses protestations, de le laisser aller à une fête le soir, d’avoir un compte Instagram ou de jouer à “Fortnite”… Il n’est pas le seul ado dans ce cas ! Pour dédramatiser, éviter les portes qui claquent et entamer une discussion en confiance, sur des bases partagées, le magazine Okapi propose aux 10-15 ans de se glisser dans la tête de leurs parents…
Premières fois
Pour tous les parents, l’entrée de leur enfant au collège marque une étape importante de la vie. Ces bouts de chou qu’on couve tendrement de nos pensées, de nos regards et de nos gestes depuis toujours commencent bel et bien à s’émanciper. Surtout, leur entrée en adolescence, ou tout au moins ses prémices, s’accompagne de nouveaux comportements, de nouveaux codes, de nouveaux questionnements qui les éloignent imperceptiblement de l’enfance, cet état qui nous convenait si bien, à eux comme à nous !
Forcément, on s’inquiète… Vont-ils savoir y faire ? Comment sauront-ils résister à toutes les bêtises qu’on a parfois nous-même expérimentées bien avant notre heure ? Ont-ils réellement conscience que devenir “grand” ne s’obtient pas d’un claquement de doigts mais est le résultat d’un cheminement lent et progressif ?
Aussi, quand débarquent les premières revendications, notre cerveau d’adulte aimant et protecteur bascule facilement en mode panique ! “Te teindre les cheveux en bleu, mais quelle idée ! Faire la fête samedi soir chez Théo et dormir chez lui ? Mais qui en sera, de cette fête ? Y aura-t-il à boire ? Où seront ses parents ? Et franchement, cette manifestation pour le climat, le week-end prochain, tu crois vraiment que c’est de ton âge ? Allons, voyons…”
Reconnaissons-le : la tentation d’opposer un non ferme à ces “premières fois” toutes plus stressantes les unes que les autres, en les renvoyant à plus tard (le plus tard possible ?), est notre solution de repli instinctive.
Comprendre et dédramatiser
Dans son numéro daté du 1er octobre, le magazine pour collégiens Okapi a listé les demandes d’ados le plus souvent refusées par leurs parents. Les sorties, bien sûr ; l’inscription sur des réseaux sociaux ; la transformation de l’apparence ; le droit de jouer à des jeux vidéo ; l’engagement citoyen ; le choix d’une alimentation différente, ou d’un sport ou d’une activité physique peu fréquente ; jusqu’au désir d’une orientation scolaire inattendue.
En six pages, l’article “Quand les parents disent non…” permet aux ados de se glisser dans nos têtes et de comprendre et décrypter nos peurs. Un moyen idéal pour dédramatiser l’instant, éviter les portes qui claquent et entamer la discussion sur de bonnes bases partagées en confiance. Une occasion en or, pour nous aussi, de découvrir l’importance et l’urgence de toutes ces demandes, souvent beaucoup plus sages et réfléchies qu’il n’y paraît.
En dessous de son titre, Okapi affiche résolument le message “le monde s’agrandit”, pour expliquer sa raison d’être aux côtés de ses lecteurs. Et ce qui vaut pour nos ados nous concerne en réalité nous aussi, non ?
François Blaise, rédacteur en chef d’Okapi
À lire dans le numéro du 1er octobre d’Okapi : “Quand les parents disent non…”
C’est normal d’être dégoûté(e) quand tes parents refusent de t’accorder une liberté. Mais si tu essayais un peu de te mettre à leur place ? Okapi te décrit les films catastrophe qu’ils se font parfois… À toi de les rassurer !
Les sorties
“Théo fait une fête chez lui samedi, je peux y aller ?”
• Dans la tête de tes parents
Commence par te rappeler que le job de tou(te)s les pères et mères du monde est de s’inquiéter pour leur enfant. S’ils n’avaient pas eu peur que tu leur lâches la main pour traverser la rue, tu ne serais peut-être plus en vie aujourd’hui ! Alors, quand tu leur demandes pour la première fois d’aller à une fête, c’est l’angoisse… Est-ce que tu ne risques pas d’y boire de l’alcool, introduit par un(e) pote ? Ou d’y fumer une cigarette ? Ils ont sans doute peur que tu te laisses entraîner dans l’ambiance du moment. Ou que tu fasses comme… eux, s’ils n’ont eux-mêmes pas été les derniers à “faire des bêtises” (”expérimenter”, en langage plus positif).
• Comment négocier
Inutile de jouer l’hypocrite en jurant que, jamais au grand jamais, tu n’avaleras une gorgée de bière ou ne tireras une taffe de cigarette ! Tous les parents savent bien que cela peut arriver. Propose-leur plutôt de passer en revue avec toi les situations qu’ils redoutent et ce que tu feras si elles surviennent. Un pote a trop bu ? Tu appelleras le 15. On te propose un verre que quelqu’un d’autre a préparé ? Tu t’engages à le refuser. Et s’ils te donnent la permission de minuit, il ne te restera plus qu’à leur servir le petit déj au lit pour les remercier d’avoir veillé !
Les réseaux sociaux
“Mes copines ont un compte insta. Moi aussi j’en veux un !”
• Dans la tête de tes parents
Voilà pourquoi tes parents freinaient des quatre fers quand tu leur demandais un smartphone ! Parce que l’étape suivante, ce sont les réseaux sociaux. Ce qu’ils imaginent de ton futur compte Insta ? Des photos de leur fille en mode Rihanna, vêtue d’un maillot de bain sexy, sur lesquelles tous les garçons du réseau vont se rincer l’œil. On ne va pas se le cacher, leurs craintes sont sans doute moindres pour un garçon. Mais ils redoutent aussi que leur enfant, fille ou gars, soit la cible des moqueries des “haters”. Ceux qui incendient en ligne les “trop” petits, les “trop” gros, les “roux”, etc. Bref, ils ont la trouille que tu te fasses harceler et que tu en perdes toute estime de toi.
• Comment négocier
Tout d’abord, explique-leur que tout le monde ne passe pas son temps à faire des selfies sur Insta. Si tu veux y montrer principalement ta collection de sneakers, tes carnets de dessins ou des photos de ton chat trop mignon, ils seront rassurés. Autre élément qui pèsera : engage-toi à créer d’abord un compte privé que tu ne partageras qu’avec tes vrai(e)s ami(e)s.
L’apparence
“J’aimerais me teindre les cheveux en bleu.”
• Dans la tête de tes parents
Ce n’est pas qu’une question de jolies boucles blondes dont ils étaient si fiers… Mais ils craignent surtout que cette transformation ne soit qu’une première étape. À quand le maquillage gothique, le tatouage ou le piercing dans le nez ? Ils t’imaginent déjà dans le collimateur des profs, qui se méfient du/de la rebelle de service. Ou pire, plus tard, en futur(e) marginal(e) exclu(e) du monde du travail.
• Comment négocier
Présente cette envie pour ce qu’elle est : une expérience qui ne va pas te changer fondamentalement. On peut avoir les cheveux roses et rester poli(e) avec les profs ! Et puis il faut avoir 18 ans ou l’autorisation de ses parents pour se faire tatouer ou piercer. De ce côté-là, aucun danger imminent !
Les jeux vidéo
“Tous mes copains jouent à Fortnite, je peux l’avoir ?”
• Dans la tête de tes parents
Tous les parents sont stressés à l’idée que leur enfant délaisse son travail scolaire ou ses loisirs actifs pour rester vissé des heures durant, les yeux exorbités, sur son écran. Concernant Fornite, ils ont des craintes particulières. C’est un jeu de combat dans lequel les personnages détiennent des armes à feu : il est donc forcément un peu violent. Et puis, c’est un jeu en ligne : tu peux donc discuter avec des personnes de tout âge que tu ne connais pas. Pas très rassurant… Enfin, même si Fortnite est gratuit, les utilisateurs sont invités à acheter des tenues, des danses ou des défis. Or tes parents n’ont sans doute pas envie de passer à la caisse en permanence pour alimenter ta passion du jeu vidéo.
• Comment négocier
Premier argument de poids : selon le système de classification européen des jeux vidéo, Fortnite n’est plus déconseillé à partir de 12 ans. Si tu as cet âge, tes parents devraient donc être rassurés. Ils hésitent encore ? Explique-leur qu’à la différence de certains autres jeux (que tu ne demandes pas), les combats ne sont pas représentés de manière réaliste et que tu peux signaler les messages violents. Propose-leur d’en juger par eux-mêmes en assistant à une partie ! Tout ça ne fonctionnera que si tu acceptes les limites de temps et d’argent que tes parents te fixeront.
La liberté de conscience
“Samedi, il y a une manif pour le climat. Je peux y aller ?”
• Dans la tête de tes parents
Ils te voient potentiellement bousculé(e) par la foule ou les forces de l’ordre. En plus, selon la cause que tu souhaites défendre, ils peuvent avoir l’impression que tu renies leurs valeurs si tu t’engages dans des combats à l’opposé de leurs convictions.
• Comment négocier
Essaye de discuter avec tes parents à l’occasion d’un documentaire ou d’un film qui traite des sujets sur lesquels tu réfléchis (l’écologie, la religion, la politique…). Ils constateront que tu ne t’engages pas à la légère. Mais pour aller manifester, il te faudra peut-être attendre d’avoir grandi ou bien convaincre un adulte de t’accompagner.
Le sport
“Tu peux m’inscrire au club de boxe cette année ?”
• Dans la tête de tes parents
Si tes parents ne connaissent de la boxe que la série des Rocky, ils vont immédiatement t’imaginer sortant du cours avec le nez en sang et l’œil au beurre noir. Image qui leur est insupportable… surtout si tu es une fille ! Car même si ça te paraît injuste, le choix d’une activité sportive est d’autant plus discuté qu’elle bouscule les stéréotypes de genre. Dans le cas d’un garçon aspirant à danser, les parents auront tôt fait de s’inquiéter de l’image que cela va donner de lui. Certains s’opposeront à ce choix par conviction, d’autres car ils redoutent les plaisanteries pas très fines que certains camarades risquent de lancer à leur enfant s’il pratique un sport majoritairement pratiqué par l’autre sexe.
• Comment négocier
Demande à tes parents d’assister à un cours de boxe avec toi. Ils constateront que tu bénéficieras de toutes les protections nécessaires et, si tu es une fille, que tu ne seras pas la seule, loin de là. Même stratégie pour tous les sports que tes parents jugent trop dangereux ou pas appropriés pour toi !
L’orientation
“L’an prochain, je veux aller en bac pro.”
• Dans la tête de tes parents
Ton avenir, voilà un sujet épineux… Parce qu’il s’agit bien de ça ! Tes parents se posent mille questions. Si tu fais un bac pro, auras-tu moins de chances de trouver un emploi bien rémunéré ? Et si la filière ne te plaît pas en fin de compte, pourras-tu passer un bac général ? Ils peuvent également être gênés à l’idée que tu suives des études moins prestigieuses que les leurs, ou celles des enfants de leurs proches.
• Comment négocier
Commence par éplucher les publications de l’Onisep : elles te permettront de bien connaître les caractéristiques du métier qui t’intéresse, le salaire, les débouchés, etc. Essaye ensuite de trouver un stage de 3e qui te confortera (ou pas) dans ton choix. Ta détermination et ton sérieux pourraient bien, à force, emporter l’adhésion de tes parents !
L’alimentation
“C’est décidé, j’arrête de manger de la viande.”
• Dans la tête de tes parents
Très peu de parents seront opposés au fait que tu prennes position sur la souffrance animale et/ou sur l’empreinte écologique de tes choix d’alimentation. Ce qui peut les freiner, c’est que ta santé soit impactée par tes nouveaux choix. Sans compter les contraintes qu’ils voient déjà venir : se creuser la tête pour trouver des alternatives, proposer plusieurs menus à chaque repas en fonction des goûts et choix de chacun…
• Comment négocier
Seule solution : te mettre aux fourneaux. Après tout, il faut assumer jusqu’au bout tes opinions ! Rassemble des recettes qui te permettront de préparer de bons petits plats en accord avec tes choix… et qui séduiront même tes parents ! Et une consultation chez ton médecin les rassurera sur la préservation de ta santé.
Merci à Geneviève Djenati, psychologue et auteure de Attends… dépêche-toi ! Le temps des parents, le temps des enfants (L’Archipel)