“Dors, je le veux !”, supplément pour les parents, Pomme d'Api n°624, février 2018. Texte : Joséphine Lebard, illustrations : Jean-Louis Cornalba.
© “Dors, je le veux !”, supplément pour les parents, Pomme d'Api n°624, février 2018. Texte : Joséphine Lebard, illustrations : Jean-Louis Cornalba.

Sommeil des 3-6 ans : que faire quand dormir tourne au cauchemar ?

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Moment très important pour les tout-petits, la sieste diminue, puis disparaît, entre 3 et 6 ans. Cette modification du rythme du sommeil perturbe, avec plus ou moins d’intensité, les nuits des enfants… et celles de leurs parents. Pour mieux comprendre ce qui se passe, et trouver une solution pour que petits et grands dorment suffisamment, Pomme d’Api fait le point avec deux médecins.

La fin de la sieste

Claire, maman de Jules entré en moyenne section, s’inquiète : avec la sieste qui diminue, son fils Jules va-t-il avoir son compte de sommeil ? Nadia, elle, se demande si, avec huit heures par nuit, Selim (6 ans) a suffisamment dormi. Quant à Julien, il craque légèrement : chaque soir, entre 20 heures et 22 heures, Lucie (4 ans) multiplie les allers-retours dans le salon au rythme de la même chanson : “J’ai pas sommeil !”“Dors, je le veux !”, supplément pour les parents, Pomme d'Api n°624, février 2018. Texte : Joséphine Lebard, illustrations : Jean-Louis Cornalba.
Le sommeil de notre enfant, entre 3 et 6 ans, demeure toujours un enjeu. À juste titre : “Dès qu’il est diminué, le sommeil joue sur l’humeur, le comportement et l’apprentissage”, rappelle le docteur Marie-Josèphe Challamel, pédiatre spécialiste du sommeil, et auteure, avec Marie Thirion, de “Le sommeil, le rêve et l’enfant” (Albin Michel). Or, le passage 3-6 ans marque un cap majeur : c’est généralement le moment où la sieste tend à disparaître.
“Prenons le cas d’un enfant de 3 ans qui dort dix heures et fait deux heures de sieste, explique le docteur Rosa Jové, pédopsychiatre et auteure de “Dormir sans larmes” (Les Arènes). Une fois la sieste abandonnée, l’enfant dormira environ onze heures la nuit.”
La fin de la sieste peut provoquer temporairement l’enchaînement, la nuit, de deux cycles de sommeil lent, souligne également la spécialiste. Lesquels peuvent favoriser l’apparition de quelques troubles : terreurs nocturnes, énurésie, somnambulisme, qui disparaissent une fois l’étape franchie.
Mais on peut être rentré chez “les moyens” et avoir encore besoin d’une vraie sieste le week-end. Pour ce faire, il nous faut rester à l’écoute de nos petits : “Pour voir si le sommeil diurne s’impose encore, on peut observer notre enfant vers 17-18 heures. Si, à ce moment de la journée, on le sent agressif, capricieux ou particulièrement agité, alors c’est que la sieste est encore nécessaire”, estime Marie-Josèphe Challamel.
“Dors, je le veux !”, supplément pour les parents, Pomme d'Api n°624, février 2018. Texte : Joséphine Lebard, illustrations : Jean-Louis Cornalba.

Patience…

La période 3-6 ans coïncide également avec la phase des premiers apprentissages et de la consolidation du langage parlé. L’enfant s’exprime mieux… et donc logiquement communique mieux sur ses angoisses, ses craintes, notamment au moment d’aller au lit. À nous alors de nous transformer en négociateur de l’ONU pour obtenir du petit qu’il aille se coucher, qu’il reste dans sa chambre… quand ce ne sont pas les deux à la fois.
“Dors, je le veux !”, supplément pour les parents, Pomme d'Api n°624, février 2018. Texte : Joséphine Lebard, illustrations : Jean-Louis Cornalba.Certes, on peut trouver des solutions pour venir à bout de ces petits soucis (lire plus bas), mais pour Rosa Jové, il convient aussi que les parents cessent de se crisper sur la question du sommeil. Tout d’abord parce que, d’un enfant à l’autre, le besoin de dormir varie (entre huit et douze heures chez les 3-6 ans). C’est dire si les profils de dormeurs peuvent être variés ! “Comme les adultes, les enfants sont très différents”, résume Rosa Jové. Et la médecin de rappeler une évidence… que nous, parents, avons souvent tendance à oublier : le sommeil est un processus évolutif et, comme d’autres apprentissages, il s’acquiert au fil du temps. “On dit aux enfants : “Tu marches comme un(e) grand(e), maintenant.” En revanche, on ne leur dit jamais : “Maintenant, tu dors comme un(e) grand(e)”, s’étonne la médecin. Alors que c’est ce que nous devrions faire !”
Évidemment, il y a toujours autour de nous ces enfants parfaits qui ont fait leurs nuits à trois semaines, ne se relèvent jamais après avoir été couchés et dorment jusqu’à 9 heures le samedi matin. Des exemples qui pèsent un peu lourd sur nos épaules de parents fatigués par des nuits hachées ou des réveils en fanfare le matin. Et après ? D’abord, ces enfants ont-ils le sommeil aussi idyllique que leurs parents veulent bien le prétendre ? Ensuite, même si, pour l’heure, le temps semble un peu long, n’oublions pas que, petit à petit, les choses vont se mettre en place. Et, dans quelques années, viendra le jour où, après des années à l’avoir supplié d’y rester, c’est vous qui demanderez à votre enfant de sortir de son lit.

Petits problèmes de sommeil : quelles solutions ?

  • Il ne veut pas dormir
    Tous les soirs, c’est la même histoire : Corentin, 5 ans, n’arrive pas à s’endormir. Bilan : c’est la java dans la chambre et le petit garçon dort rarement avant 22 heures.

Le point de vue de Marie-Josèphe Challamel, pédiatre spécialiste du sommeil : D’un jour à l’autre, il faut instaurer un rythme de coucher régulier. Mieux vaut donc éviter les couchers et levers tardifs le week-end. Ces deux jours où l’enfant est décalé suffisent à perturber le rythme en semaine. Pour revenir progressivement à une heure de coucher plus raisonnable, les parents peuvent la modifier tout doucement : 22 heures, puis, le week-end suivant 21h55, puis 21h50… et ainsi de suite. Il importe également d’associer la chambre au sommeil. Donc pas d’écrans, de jeux ou de pièce trop éclairée avant de se coucher.
“Dors, je le veux !”, supplément pour les parents, Pomme d'Api n°624, février 2018. Texte : Joséphine Lebard, illustrations : Jean-Louis Cornalba.

  • Il vient dans notre lit la nuit
    Inès, 6 ans, surgit souvent au milieu de la nuit pour s’installer entre ses parents dans leur grand lit. Faisant ainsi de leur chambre l’annexe de la sienne.

Le point de vue de la pédiatre : À mon sens, il faut être constant et ramener à chaque fois l’enfant dans son lit. Même si c’est fatigant pour le parent. On peut aussi motiver le petit en lui donnant un lot de 7 jetons en début de semaine : une incursion nocturne dans le lit des parents équivaut à rendre un jeton. Si, à la fin de la semaine, l’enfant a conservé tous ses jetons, on peut lui proposer quelque chose qui lui fait vraiment plaisir. Cette méthode fonctionne bien avec les 3-6 ans. Si, malgré tout, l’enfant continue à venir dans le lit parental, il faut peut-être creuser : y aurait-il de l’anxiété dans ce comportement ? Si oui, pourquoi ?“Dors, je le veux !”, supplément pour les parents, Pomme d'Api n°624, février 2018. Texte : Joséphine Lebard, illustrations : Jean-Louis Cornalba.

  • Il ne sait pas s’endormir seul
    Ava, 3 ans, connaît d’impressionnantes crises de larmes si son papa ou sa maman ne reste pas à ses côtés le temps qu’elle s’endorme. Et pas question de tenter de s’éclipser avant qu’elle ait fermé les yeux…

Le point de vue de la pédiatre : Il convient de ne pas passer trop vite sur le rituel du coucher. L’enfant a besoin de temps et d’habitudes pour envisager le moment du lit. Alors, les parents doivent au minimum prendre dix bonnes minutes pour lire une histoire, faire le câlin du soir. Et bien sûr, prévenir : “Je vais quitter la chambre avant que tu ne sois endormi.”

  • Il a des terreurs nocturnes
    Un cri dans la nuit : c’est celui qu’entendent régulièrement les parents de Solal, 3 ans. Le petit garçon a souvent des terreurs nocturnes.

Le point de vue de la pédiatre : Rappelons d’abord ce qu’est une terreur nocturne. Elle survient dans les trois premières heures, au cours de la phase de sommeil lent-profond. L’enfant hurle, les yeux grands ouverts. Souvent, il transpire. Cela arrive chez 15 % des petits environ. Inutile de le réveiller, mieux vaut le recoucher tranquillement. Souvent, ces terreurs nocturnes témoignent d’irrégularités dans les rythmes, ou d’un manque de sommeil. On peut donc veiller à ce que son enfant ait bien son compte de sommeil.

Parents épuisés… Comment récupérer ?

Pas facile de tenir le coup au travail quand les nuits sont fractionnées et qu’on court après le sommeil depuis des mois… “Le problème, estime Rosa Jové, ce ne sont pas les enfants, mais les horaires en entreprises qui ne sont pas adaptés. Il faudrait de nouvelles lois qui répondent à ces besoins.” En les attendant, comment faire ?ACT-ART-pere
Une sieste de vingt minutes en début d’après-midi peut permettre de récupérer. De plus en plus d’entreprises proposent des espaces dédiés au repos. On peut aussi alterner la gestion des problèmes nocturnes avec son conjoint et ainsi s’offrir une nuit complète une fois sur deux.
Enfin, dans la mesure du possible, on peut confier son petit aux parents ou aux beaux-parents et s’échapper pour un week-end. Cela permet de récupérer, et cela fait aussi beaucoup de bien au couple parfois fragilisé par la fatigue accumulée.

“Dors, je le veux !”, supplément pour les parents, Pomme d’Api n°624, février 2018. Texte : Joséphine Lebard, illustrations : Jean-Louis Cornalba.

Pour aller plus loin

> “Dormir sans larmes”, Rosa Jové, Les Arènes.
> “Le sommeil, le rêve et l’enfant”, Marie-Josèphe Challamel et Marie Thirion, Albin Michel.

 

“Dors, je le veux !”, supplément pour les parents, Pomme d'Api n°624, février 2018. Texte : Joséphine Lebard, illustrations : Jean-Louis Cornalba.