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Commission d’enquête parlementaire sur TikTok : ce qu’il faut retenir

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Après des mois d’enquête, la commission parlementaire sur les effets psychologiques de TikTok a rendu ses conclusions le 11 septembre. Au programme : couvre-feu numérique, interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans… Tour d’horizon de ce qui pourrait changer pour nos enfants.

« Un océan de contenus néfastes. » Voilà comment Laure Miller, rapporteure d’une commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs, décrit le réseau social. La députée présentait ce jeudi 11 septembre le fruit de six mois de travail et de dizaines d’heures d’auditions d’experts, dont celle de l’infirmière Charlyne Buigues, spécialiste des les troubles du comportement alimentaire (TCA) et interrogée sur la question par Bayard Jeunesse.

Si TikTok a été au cœur des travaux de recherche, la commission s’est penchée plus largement sur l’impact des réseaux sociaux, des écrans et des outils numériques sur les jeunes. Alors que « 65 % des enfants de 6 à 8 ans sont inscrits sur les réseaux sociaux » et que le temps passé par les mineurs sur les portables « explose », le rapport formule 43 recommandations pour mieux protéger les mineurs en ligne. En voici les grandes lignes.

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L’accès aux réseaux sociaux interdit aux moins de 15 ans

Pour Laure Miller, rapporteure de la commission d’enquête, le constat est sans appel : les mineurs sont des « publics particulièrement vulnérables », qui doivent faire l’objet d’une protection renforcée face aux dangers des réseaux sociaux. Après plusieurs mois d’investigation, la députée établit un lien clair entre l’usage intensif de ces plateformes et la dégradation de la santé mentale des jeunes.

Parmi les mesures phares proposées par la commission figure l’interdiction de l’accès aux réseaux sociaux – hors messageries – aux moins de 15 ans. Si la loi française avait déjà fixé en 2023 une majorité numérique à 15 ans, son application restait floue, faute de décret et de validation européenne. Mais les choses évoluent : la Commission européenne a présenté en juillet 2025 un prototype d’application de vérification de l’âge, dans le cadre du règlement sur les services numériques (DSA). La France fait partie des cinq pays pilotes chargés de tester un logiciel de vérification fiable et anonymisé, une avancée majeure dans le contrôle de l’accès des réseaux sociaux aux mineurs.

La commission parlementaire ne s’arrête pas là. Elle prévoit une évaluation d’ici 2028 pour mesurer l’impact de cette limite d’âge. Si certains risques persistent, elle n’exclut pas de relever l’âge minimal d’accès à 18 ans.

Un couvre-feu numérique de 22 h-8 h pour les 15-18 ans

La profusion de contenus qui peuvent défiler à l’infini a des « effets qui sont évidents sur la santé de nos jeunes », dénonce Laure Miller.  Parmi les conséquences pointées dans le rapport : sédentarité, dépendance, amplification des vulnérabilités psychologiques, détérioration de la santé mentale, mais aussi troubles du sommeil. Ces derniers, largement documentés, peuvent entraîner anxiété, irritabilité, déficits cognitifs ou encore difficultés d’apprentissage – des effets qui s’aggravent lorsque les réseaux sociaux sont utilisés la nuit.

Face à ce constat, la commission parlementaire recommande l’instauration d’un couvre-feu numérique pour les 15-18 ans, entre 22 heures et 8 heures, ciblant les réseaux sociaux « dotés de systèmes de recommandation de contenus ou de dispositifs visant à capter l’attention de l’utilisateur », autrement dit, ceux dotés d’algorithmes puissants, à l’instar de TikTok. Cette mesure s’accompagnerait d’une campagne de sensibilisation sur les effets néfastes des réseaux sociaux – et plus largement des écrans – sur le sommeil.

École, collège et lycée : interdiction des portables, cours de sensibilisation et limitation des outils numériques

Le rapport de la commission parlementaire prône la généralisation de l’interdiction des portables dans les lycées, déjà interdits dans les écoles et les collèges. La commission préconise également une sensibilisation à l’usage raisonné des outils numériques dès le CP via les programmes d’enseignement moral et civique, en insistant sur la nécessité d’éviter l’exposition aux écrans. Plus largement, Laure Miller, rapporteure de cette commission, appelle à une « décroissance numérique » au sein de l’Éducation nationale, questionnant « l’intérêt pédagogique à avoir du numérique partout ».

La mise en place d’un “délit de négligence parentale numérique”

Avec cette mesure, Laure Miller dit vouloir « créer un électrochoc ». En fin de rapport, l’élue souligne les effets nocifs de l’exposition aux écrans sur le cerveau des jeunes enfants et va jusqu’à soumettre à la réflexion l’idée d’un « délit de négligence numérique » dans un horizon de trois ans, en tablant d’ici là sur une campagne d’information massive destinée à combler les lacunes des parents.

« Il est indispensable de faire entrer dans l’esprit de tous (…) : pas d’écran avant 3 ans, pas de smartphone avant 13 ans, pas de réseaux sociaux avant 15 ans. » Des repères d’âges qui devraient être intégrés au carnet de santé de l’enfant, ainsi qu’un message destiné aux parents sur l’utilisation des réseaux sociaux.

Après cette période de sensibilisation des parents, la mise en place de ce délit serait envisagée. En cas de « manquements graves » en la matière, les parents pourraient être punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Si « les premiers responsables sont les plateformes elles-mêmes », la députée estime que c’est également le rôle des parents de « protéger leurs enfants ».

Yasmine Choukairy