Noël approche ! Le magazine Okapi et l’ensemble des titres de Bayard Jeunesse mettent en avant, en décembre, une valeur positive universelle : la générosité…
Le sait-on, « générosité », ce mot très ancien à l’étymologie latine, permettait autrefois de désigner les personnes de noble rang. Par une forme d’évolution, il s’est mis à qualifier une vertu liée à la noblesse d’âme, avant, depuis deux siècles, de se démocratiser pour qualifier tout comportement altruiste où l’on donne de soi en mode désintéressé : de son énergie, de son temps, de ses biens…
La générosité, en 2025, existe encore dans la société ! Ce sont les Restos du Cœur qui passent le cap des 40 années à aider les plus précaires. Okapi consacre deux pages d’actu à cet anniversaire. Ce sont aussi des personnes de talent qui choisissent un métier d’engagement au service des autres, humains ou animaux. Là encore, dans ce numéro, un reportage dans un refuge pour animaux ayant connu une existence difficile, qui fera peut-être naître des vocations chez nos collégiennes et collégiens…
À la rencontre de deux adolescents “aidants”
Mais, c’est quoi être généreux quand on a 12, 13 ou 14 ans ? Que donne-t-on et comment le vit-on ? Okapi a rencontré des adolescents qui n’ont pas forcément choisi de se mettre au service des autres, qui n’ont pas eu le choix, pour leur demander ce que cela leur apportait, dans un monde où l’on se regarde le plus souvent soi-même avant de regarder les autres… En l’occurrence, il s’agit d’« ados aidants », contactés grâce à une association spécialisée. Deux jeunes qui ont en commun de devoir s’occuper de membres de leurs familles en situation de handicap lourd. Le papa pour l’un, la grande sœur pour l’autre.
À Lyon et en région parisienne, nous les avons rencontrés, avons passé du temps avec eux, les avons suivis dans leurs moindres activités quotidiennes pour comprendre comment ils vivaient à la fois avec ce poids immense – s’occuper d’un proche plusieurs heures chaque jour quand les copains sont à leurs activités – et cette exigence de don de soi, de son temps, de son énergie.
Le résultat, à l’heure où les ados en général sont dépeints comme incapables de s’investir pour des causes importantes ou de faire des choses altruistes, est simplement épatant. Non seulement les deux ados s’acquittaient de leurs tâches sans exprimer aucun état d’âme et avec une rare maturité, mais ils débordaient de fierté en racontant leurs petites actions quotidiennes pour rendre meilleure la vie de l’autre.
Bien sûr, tous les deux revendiquent une forme de droit à l’insouciance de leur âge, au jeu, à l’amusement, mais l’essentiel à leurs yeux n’était pas là. Plutôt dans le regard de gratitude de la personne aidée, et dans une forme de joie et de sérénité que cela leur donnait. À l’évidence, en les voyant vivre, il est facile de comprendre que la générosité, sentiment par excellence tourné vers l’autre, rend heureux, parce qu’elle rend meilleur. Une leçon qui saura toucher les lectrices et les lecteurs, et alimenter de « généreuses » conversations familiales pendant la belle période de l’Avent !
Heureux d’aider leurs proches
Noémie et Sam, comme plus de 700 000 ados en France, aident un(e) membre de leur famille handicapé(e) ou atteint(e) d’une maladie. Un quotidien plein de responsabilités mais aussi de joie !


Sam est fier d’aider son père
Sam habite à Tassin-la-Demi-Lune, près de Lyon (Rhône). Depuis tout petit, il aide son papa Nicolas, qui est atteint d’une malformation congénitale. Au fil des années, il a obtenu de plus en plus de responsabilités. Le papa de Sam est né avec le syndrome TAR. Cela veut dire qu’il n’a ni bras ni rotules (ces petits os ronds qui aident les genoux à bouger). Avant, il parvenait tout de même à marcher, à conduire, à jouer au foot… Mais après une opération des genoux pour se faire poser des prothèses, il a perdu beaucoup d’autonomie.

Le rituel matinal
Chaque matin quand il est chez son père – ses parents sont séparés –, Sam sort du garage le gros fauteuil électrique que son papa utilise pour se déplacer à l’extérieur. “On l’appelle « le tank », car il est énorme et pèse super lourd”, explique-t-il. Avant de partir au collège, il aide aussi son père à enfiler ses chaussettes et ses chaussures.

“Parfois, c’est pénible, car les chaussettes se prennent dans ses pieds, mais on passe toujours un bon moment à rigoler !”, ajoute Sam. Pour les chaussures, à l’aide d’un chausse-pied, c’est plus simple ! “Et c’est plus naturel que ce soit lui qui m’aide plutôt qu’un inconnu”, souligne Nicolas.
Sam en cuisine
Il n’est pas rare de croiser Sam dans les allées du supermarché où il fait lui-même les courses pour la famille. “En raison de mon handicap, c’est lui qui accomplit certaines tâches que ne font pas d’autres ados”, remarque Nicolas. Ce midi, Sam prépare du saumon mariné avec du riz et des courgettes. “Je trouve ça cool d’avoir de telles responsabilités”, affirme-t-il.

Un ado comme les autres
“Sam n’est pas mon auxiliaire de vie, j’en ai déjà une !”, insiste Nicolas. Même si Sam aide son papa, il lui reste du temps pour les activités de son âge : gym, basket, dessin… Il prépare même une expo pour le printemps prochain ! Selon Nicolas, “l’objectif, c’est que Sam m’aide le moins possible”. Depuis l’opération, père et fils ne peuvent plus jouer au foot ensemble, ce qui attriste Sam. Mais ils passent du temps tous les deux autrement. “Le handicap n’est pas un frein pour faire des activités”, assure Nicolas.

En route !
Le week-end, la petite famille en profite pour faire des activités en extérieur. Sur le chemin, Lila et Sam grimpent sur le fauteuil roulant. “Ça va plus vite qu’à pied ! Parfois, je me laisse tirer en trottinette”, raconte l’ado. Mais dans les espaces publics, les regards posés sur son père peuvent le déranger. “Quand des gens le fixent, je fais la technique des gros yeux !” Ça calme !

Noémie soutient sa sœur au quotidien
Tous les week-ends, Noémie s’occupe de sa grande sœur Jeovana, paralysée des membres inférieurs depuis sa naissance. Dans leur logement de Savigny-sur-Orge (Essonne), elle l’aide dans son quotidien, mais elle la soutient aussi moralement.

Noémie et sa famille sont originaires d’Angola, un pays d’Afrique. Elles ont déménagé en France en 2019, pour que Jeovana puisse recevoir de meilleurs soins de santé. Depuis, elles vivent dans un hôtel social en attendant que leur demande d’asile soit acceptée.

Il y a un an, Jeovana a subi sept opérations. Elle passe désormais la semaine dans un institut médico-éducatif (IME), qui accueille les personnes en situation de handicap. En effet, la chambre d’hôtel n’est pas adaptée pour elle. Elle retrouve sa famille en fin de semaine.
Toujours là pour sa sœur
Chaque week-end, comme Jeovana ne peut pas rester seule, Noémie et sa mère se relaient pour les courses, les repas et les lessives. “C’est normal pour moi d’aider ma sœur… même si c’est parfois pénible de devoir annuler quelque chose pour la garder”, affirme Noémie. “À l’IME, tout est adapté, confie Jeovana. C’est plus simple.” Avant de rencontrer l’association JADE, Noémie ne savait pas qu’elle était jeune aidante : “Ça m’a fait du bien de mettre un mot sur ma situation.”
Direction le parc
Jeovana ne peut pas se déplacer très loin, alors Noémie et sa maman la promènent dans un parc voisin. C’est Noémie qui pousse le fauteuil. “Il n’est pas lourd, mais il faut le soulever quand il y a des obstacles.”

Secrets et confidences
Au parc, Ana, Noémie et Jeovana se racontent leur semaine, se remémorent ensemble des moments de leur vie en Angola. “On a toujours été très soudées, mais le handicap de Jeovana nous a encore plus rapprochées”, explique Noémie. En semaine, les sœurs se téléphonent tous les soirs pendant deux heures !

Place aux devoirs
“C’est compliqué d’écrire, dit Jeovana, alors Noémie m’aide pour mes devoirs.” Aujourd’hui, elle doit rechercher trois exemples d’animaux disparus. “Jeovana n’apprend pas les mêmes matières que moi, explique Noémie. En l’assistant dans ses devoirs, je découvre de nouvelles choses.”

Besoin d’évasion
Noémie lit beaucoup, c’est son refuge. “J’adore les romans de l’univers Game of Thrones.” Elle fait du sport, du shopping… “Je vois souvent mes amis de l’association JADE. Quand on est ensemble, on oublie notre rôle d’aidant. C’est important de penser à autre chose”, souligne Noémie.

Quelles aides reçoivent les jeunes aidant(e)s ?
- Pendant les vacances, l’association JADE (Jeunes Aidants Ensemble) propose des ateliers et des séjours de répit : les jeunes aidant(e)s d’une même région se réunissent dans le cadre d’une colo à thème.
- Brind’Écoute : une ligne d’écoute téléphonique gratuite pour les jeunes aidant(e)s, mise en place par l’association La Pause Brindille.
- Les Maisons des adolescents (MDA) : dans certaines villes, ces structures proposent aussi un accompagnement pour les jeunes aidant(e)s.
Manque de reconnaissance
En France, les jeunes aidant(e)s n’ont aucun statut officiel. Cela signifie qu’ils/elles ne sont pas vraiment reconnu(e)s par la loi, contrairement aux adultes dans la même situation, qui peuvent bénéficier de certains dispositifs (congés, soutien financier…). Plusieurs associations, comme JADE, se battent pour que ça change et que les jeunes aidant(e)s soient mieux pris en compte.
“Heureux d’aider leurs proches”, article extrait du magazine Okapi n° 1233. Texte : Célie Dugand. Photos : Bruno Amsellem (“Noémie”) et Pierre Morel (“Sam”) / Divergence Images pour Okapi. Merci à l’association JADE, qui soutient les jeunes aidant(e)s comme Sam et Noémie.



VIVRE ENSEMBLE, des ressources extraites des magazines Bayard Jeunesse
