La France est le pays où on lit le plus de mangas, juste derrière le Japon. On en crée aussi ! Dans son numéro de juillet, Okapi, le magazine Bayard Jeunesse des collégien(ne)s emmène les 10-14 ans à la découverte du manga “à la française” et de ses stars (Jenny, Yami Shin, Reno Lemaire, Topher…). Quels que soient leurs goûts, nos ados sont sûrs d’y trouver le ou les mangas à emporter en vacances, ainsi que des conseils pour écrire et dessiner comme les mangakas.
Des héroïnes et des créatrices de manga
Au Japon, il y a toujours eu des mangas publiés en avant-première dans des magazines non-mixtes. Certains (les “shônen”) s’adressent aux garçons, d’autres (les ”shôjo”) ciblent les filles et multiplient les héroïnes : Sailor Moon, CardCaptor Sakura, Fruits Basket, Yona : Princesse de l’aube…
Aujourd’hui, des autrices françaises de manga ont émergé et se sont emparées de ce genre avec des spécificités bien à elles. Elles s’appellent Tpiu, Jenny, Miya, Elsa Brants et tant d’autres noms… Leur arrivée constitue une vraie nouveauté dans un pays où la BD n’a longtemps été qu’une affaire de garçons. Les premiers héros étaient tous masculins : Tintin, Astérix, Gaston Lagaffe…
Des romantiques et des guerrières
L’une des forces du manga français : la large place des autrices et des figures féminines fortes, plutôt rares dans la BD traditionnelle. Il était temps !

On trouve beaucoup d’histoires de cœur parmi les mangas français, comme les séries Vis-à-vis, de Miya, et Pink Diary, de Jenny. Mais pas seulement. Certains mangas inventés par des femmes mettent en scène des héroïnes fortes : Alchimia, de Miya et Samantha Bailly, qui te plonge dans un univers de fantasy, ou La Rose écarlate, de Patricia Lyfoung, qui voit naître une escrimeuse de talent. DreaMaker, de la mangaka Zilo, explore le monde des rêves et MortiCian, créé par VanRah, est peuplé de démons… Les autrices y vont à fond, et lectrices et lecteurs en raffolent !

La pro du manga : Jenny
Passionnée par les mangas depuis son enfance, elle apprend le dessin en autodidacte et participe à des fanzines. À 25 ans, elle publie Pink Diary, premier manga shôjo français. Le début d’une longue carrière ! Entre BD (Mathilde, Comme un garçon…) et manga (Sara et les contes perdus, Brille !), elle retranscrit avec justesse les émotions des adolescentes.

Conseils lecture (#princesses, #rire, #psychologie)

Si tu aimes la psychologie : Brille !, de Jenny (éd. Delcourt/Tonkam).
Émilie vit enfermée dans sa chambre, sans aller au collège ni parler à ses parents. Quand le jeune Simon et son père emménagent dans la maison d’en face, l’adolescente devient curieuse. Un très beau titre signé Jenny qui épongera peut-être ton mal-être, ou celui d’une amie.
Si tu aimes les princesses fortes : Les Héritiers d’Agïone, de Tpiu (éd. Kana).
L’autrice, Tpiu, est partie au Japon à 20 ans pour se former au manga. Résultat : son livre s’inscrit dans un univers très inspiré de Princesse Mononoké, le film d’animation des studios Ghibli, avec une héroïne farouche – la princesse Adalise – et des décors glorifiant la nature.


Si tu aimes rire aux éclats : Myrtis, d’Elsa Brants (éd. Kana).
Princesse pourrie gâtée, insupportable et capricieuse, Myrtis refuse de se marier. Elle fugue mais se retrouve vite à court d’argent. Et si devenir sorcière lui évitait la misère ? Une histoire inventée par une autrice venue de la BD.
L’info en + : un succès fou !
300 millions d’euros par an : c’est la somme générée par le manga en France. C’est beaucoup, mais nettement moins que les 4,5 milliards encaissés au Japon !
Des ados face à tous les dangers
Les mangakas japonais n’oublient jamais qu’ils s’adressent à des ados. Ils imaginent donc des héroïnes et des héros du même âge. Au gré de leurs aventures, de leurs défaites et de leurs victoires, ils grandissent, mûrissent… un peu comme toi !
Ce concept de quête initiatique se retrouve dans les créations françaises. Radiant, du mangaka Tony Valente, en est le meilleur exemple : au début de l’aventure, son héros, Seth, est un ado trop impulsif qui apprendra de ses erreurs.
Dans les mangas français, les personnages adolescents affrontent de terribles épreuves qui les font grandir. Et les fans s’y retrouvent !
À l’assaut de tout un univers
Pas facile de créer un héros qu’on a envie de suivre longtemps ! Il faut imaginer face à lui tout un tas d’obstacles et d’adversaires hors du commun qui te tiennent en haleine. Aussi, les mangas français plongent leurs lecteurs dans des mondes fantastiques, des univers originaux et palpitants, où aucun détail n’est laissé au hasard. Lieux, créatures… Tout se répond. Green Mechanic, de la créatrice suisse Yami Shin, se déroule ainsi sur une planète transformée en gigantesque dépotoir, alors que la série Free Quest, du tandem Néo et Reno Lemaire, nous entraîne sur une île isolée peuplée d’hybrides… Le record de sophistication revient à la saga Dofus et Wakfu, dont l’univers se ramifie depuis plus de 20 ans !
La pro : Yami Shin
Après avoir été renvoyée de son job de vendeuse, la dessinatrice suisse s’inscrit au tremplin organisé par l’éditeur français Ki-oon en 2014… et le remporte ! Dans la foulée, elle entame Green Mechanic, une œuvre fantasy bourrée d’action. Son modèle ? Hiromu Arakawa, une mangaka japonaise qui a écrit Fullmetal Alchemist. C’est le manga culte de Yami Shin. Elle aussi est décidée à prouver que les filles peuvent créer des shônen, des mangas “pour garçons” !
Conseils lecture (#heroic fantasy, #magie, #mode, #science-fiction)

Si tu aimes l’heroic fantasy : Horion, d’Aienkei (scénario) & Enaibi (dessin) (éd. Glénat).
Dans le monde médiéval d’Alcade, Koza part à la recherche de son grand frère disparu. Ce garçon d’écurie va acquérir de puissants pouvoirs… Les auteurs : un scénariste fou de dessins animés et une dessinatrice diplômée de japonais.
Si tu aimes la magie et la mode : Vanupied, de Valne (scénario) & Maluko (dessin) (éd. Kana).
Et si la magie provenait des vêtements ? C’est ce qui se passe à Vesmondo, le monde de Luth ! Ce qui lui sera fort utile pour vaincre les Metalo Kiraso qui ont kidnappé son grand-père… Cette trilogie imaginée par un duo strasbourgeois te surprendra par son scénario… très bien tissé !


Si tu aimes la science-fiction : Ripper, de Jeronimo Cejudo (éd. Ankama).
Dans un monde post-apocalyptique, Junk reste positif car il peut compter sur son ami raton laveur Crappy. Jusqu’au jour où tout bascule… Ripper est un concentré d’énergie, signé Jeronimo Cejudo. Cet autodidacte, originaire du sud de la France, est arrivé 2e d’un prestigieux concours au Japon !
L’info en + : le manga influence la BD
Ça ressemble à un manga mais ça reste de la BD, déclinée en albums de 48 pages couleur. Quoi ? La série Les Légendaires (éd. Delcourt), bien sûr ! La saga de Patrick Sobral raconte les aventures d’une bande d’ados dans un monde médiéval-fantastique.

De la pop culture made in France
Si les codes du manga sont japonais, les références des mangakas français sont bien plus familières. Rien ne vaut des décors connus !
C’est une grande force du manga à la française : ses autrices et auteurs situent leurs histoires dans un cadre qu’ils connaissent… et leurs fans également ! Par exemple, c’est plus simple de se projeter dans un collège français que dans un établissement japonais, où la vie scolaire est très différente.
Les territoires français sont aussi bien représentés. Ainsi, toute l’action de La Boutique d’Artefacts, un manga français signé Pacha, se déroule dans un Paris alternatif. Idem, les personnages de Talento Seven prennent vie dans des décors urbains que le scénariste Izu photographie. Enfin, les départements ultramarins ne sont pas en reste : Les Îles du Vent, d’Hector Poullet et Élodie Koeger, et Waldo Papaye, signé Alexandre Sainte-Rose, se situent aux Antilles.
Romans et figures incontournables
Le manga donne aussi une nouvelle jeunesse à des romans classiques bourrés d’action, comme Les Trois Mousquetaires (adapté par Néjib et Cédric Tchao). Dans City Hall, Rémi Guérin et Guillaume Lapeyre multiplient les clins d’œil au monde de Jules Verne. D’autres racontent la vie de personnages réels, comme la reine Anne de Bretagne (Cédric Tchao) ou le judoka Teddy Riner dans Hajime !, de Topher (extrait à découvrir dans Okapi n° 1225, juillet 2025).

Le pro : Reno Lemaire
Pour imaginer le décor de son manga fantastique Dreamland, Reno Lemaire n’est pas allé chercher loin : il s’est inspiré de sa ville de Montpellier. Pionnier du genre, Dreamland est toujours d’actualité vingt ans après sa création, avec des albums remis à jour et une série animée prévue en 2026. Mieux, il est désormais traduit en japonais. Belle récompense pour Reno Lemaire, qui a même affronté des artistes nippons dans des battles de dessin. Mais attention ! Reno lui-même conseille d’avoir au moins 13 ans pour lire Dreamland.

Conseils lecture (#peur, #outre-mer, #escrime)

Si tu aimes te faire peur : Silence, de Yoann Vornière (éd. Kana).
Depuis que la nuit règne en continu, les humains doivent évoluer sans bruit, sinon des monstres les repèrent. Parmi eux, la souris verte ou la petite souris… L’auteur, Yoann Vornière, a commencé la BD au collège, lors d’un stage dans un atelier de dessinateurs à Toulouse.
Si tu veux voyager outre-mer : La Planète Takoo, de Teeyandee (éd. Nerdar).
Des triplés voient atterrir une goutte d’eau géante dans le désert d’un monde imaginaire. Ils se trouvent alors chargés d’affronter des entités destructrices… Auto-édité, ce titre (disponible sur liseuse Amazon) puise dans la culture antillaise de son auteur, né en Guyane, installé en Guadeloupe.



Si tu rêves de podium : Enzo, d’Enzo Lefort & Tony Lourenço (scénario) et Madana (dessin) (éd. Blacklephant).
Comment le champion de fleuret Enzo Lefort a-t-il décroché l’or aux Jeux olympiques de Tokyo ? Passionné de culture et de mode japonaises, l’escrimeur a fait appel à la mangaka Madana et au scénariste de BD et fan de sport Tony Lourenço pour relater son parcours dans un manga.
L’info en + : des youtubeurs en librairie
Les influenceurs n’hésitent plus à se tourner vers le manga quand ils veulent écrire. Inoxtag a triomphé avec le premier tome d’Instinct, Louis-San se met en scène dans une intrigue fantastique avec Kimen…
Comment maîtriser les techniques des mangakas ?
Ces trois ouvrages t’offrent les conseils des plus grands auteurs japonais pour écrire et dessiner un manga. Mais si tu veux devenir mangaka, n’oublie jamais d’exprimer avant tout ta propre sensibilité !

Créer un manga : L’école du Shônen Jump, collectif (éd. Kana).
Comment démarrer à partir de zéro ? Où placer les bulles ? Comment trouver le bon rythme ? Les auteurs des plus grands succès du magazine Shônen Jump (qui a publié One Piece, My Hero Academia, Demon Slayer…) ont tous répondu au même questionnaire pour te fournir leurs meilleures astuces !
L’apprenti mangaka, d’Akira Toriyama (éd. Glénat).
Au début des années 1980, Akira Toriyama, le créateur de Dragon Ball proposait des leçons aux apprentis mangakas dans les pages du magazine Shônen Jump. Il prenait même la peine de corriger les planches envoyées par des enfants de ton âge pour qu’ils s’améliorent, toujours avec bienveillance. Tu trouveras, dans ce livre, ses précieux conseils : quel matériel utiliser, comment structurer une page, les techniques essentielles de dessin, etc.


La méthode pour dessiner les mangas de Yusuke Murata (éd. Kurokawa).
Le dessinateur de One-Punch Man avait progressé, enfant, grâce aux conseils d’Akira Toriyama. En hommage, il a, à son tour, prodigué des conseils pour les débutants dans les années 2000. Les fondamentaux sont toujours présents, mais il aborde des domaines plus modernes, comme le dessin numérique sur tablette.
“La France, l’autre pays du manga”, article extrait du magazine Okapi n° 1225, juillet 2025. Texte : Matthieu Pinon.

Couverture du magazine Okapi n° 1225, juillet 2025. Dans ce numéro, retrouve le tuto de dessin du mangaka Topher et participe à notre grand concours de manga !