© Illustration : Isabelle Maroger. Okapi n° 1229.

Jeux dangereux au collège : comment protéger nos ados ?

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« Rêve indien », « 30 secondes de bonheur », « jeu du foulard »… Ces « jeux » et défis très dangereux se répandent dans les cours de récré par le bouche-à-oreille et les réseaux sociaux. Ils mettent la santé et la vie de nos ados en péril. Okapi, le magazine Bayard Jeunesse des collégien(ne)s, explique aux 10-15 ans, peu conscients des risques encourus, pourquoi il ne faut jamais y participer et comment réagir lorsqu’on y est confronté. À lire avec nos ados pour les informer et les aider à se protéger.

À partir de quand peut-on dire qu’un jeu est dangereux ?

Dès qu’un jeu met ta santé, ta sécurité ou même ta vie en danger, il cesse d’en être un. Un jeu est censé être un moment agréable, sans aucune pression ni risque. Souvent, les jeux dangereux tournent autour de l’idée de performance, de « t’es pas cap ! ». Dans cette logique de défi, il faut faire mieux que les autres, repousser les limites, et c’est là que les choses peuvent déraper.

Les principaux jeux dangereux sont des jeux d’asphyxie. Le jeu du foulard, du sommeil indien, de la grenouille… Ils changent de noms suivant les régions et les établissements, mais le principe est toujours le même : provoquer une asphyxie volontaire (en bloquant sa respiration ou en se serrant la gorge) pour ressentir des sensations intenses ou hallucinatoires. Mais ces sensations sont en réalité le signe que ton cerveau manque d’oxygène. Et ce manque peut entraîner une perte de connaissance, des lésions cérébrales irréversibles, voire la mort. Le jeu du foulard, le plus tristement célèbre, a déjà causé de nombreux drames.

Les jeux d’agression, comme le jeu de la canette ou le jeu des couleurs, reposent sur le principe de la violence entre participant(e)s. Par exemple, si quelqu’un ne réussit pas à rattraper un objet lancé, il est frappé par les autres. Ou encore, si une personne porte une couleur précise, elle peut être frappée toute la journée. Ces « jeux » banalisent la violence physique et peuvent vite tourner au harcèlement ou aux agressions.

Comment se propagent les jeux dangereux ?

Le plus souvent, ils se répandent par le bouche-à-oreille. Mais les réseaux sociaux amplifient aussi le phénomène. Le jeu de la virgule, par exemple, consiste à donner par surprise un coup sec derrière la nuque d’un camarade, puis à filmer sa réaction pour la diffuser sur les réseaux. C’est particulièrement grave car cela provoquer le coup du lapin, c’est-à-dire un traumatisme cervical sérieux. Tout ça pour une poignée de likes

Le jeu de la virgule consiste à donner par surprise un coup sec derrière la nuque d’un camarade, puis à filmer sa réaction pour la diffuser sur les réseaux.

Pourquoi fascinent-ils autant ?

À l’adolescence, on se sent parfois tout(e)-puissant(e). La mort et la maladie semblent très lointaines. On a envie de tester ses limites et de les repousser. En participant à ces « jeux », tu peux avoir l’impression de découvrir de nouvelles sensations, une poussée d’adrénaline ou une forme d’euphorie. Mais à quel prix ! La pression du groupe joue aussi un rôle important. Tu as envie de suivre les autres pour ne pas te sentir exclu(e), pour faire comme tout le monde… quitte, parfois, à aller trop loin. Dire non n’est pas simple : on craint d’être jugé(e), de passer pour un(e) lâche, ou pire, de devenir la cible des moqueries.

Quels sont les risques ?

C’est ta vie et celle des autres que tu mets en danger. Au-delà de l’aspect physique, ces jeux peuvent aussi avoir un impact psychologique : le stress, la honte, la culpabilité, le repli sur soi, la dévalorisation… Certaines personnes restent marquées longtemps après y avoir participé. Et puis, tu ne le sais peut-être pas, mais si quelqu’un se blesse gravement ou meurt lors d’un défi, même si ce n’était « pas ton intention », tu peux être poursuivi(e) en justice (lire ci-dessous). Être mineur(e) ne t’empêche pas de devoir rendre des comptes devant un tribunal !

« J’ai failli être poursuivi en justice »

« Tout a commencé à la récré, quand un pote m’a raconté qu’il s’était évanoui en jouant au jeu du “sommeil indien”. Il m’a expliqué qu’il fallait prendre de grandes inspirations, arrêter de respirer, puis quelqu’un te frappe sur la poitrine… et normalement, tu perds connaissance. Alors on a essayé. Sur moi, ça n’a pas marché. Pareil pour mes autres potes. La récré touchait presque à sa fin, alors on a tenté sur le dernier. On lui a dit de bien inspirer, de bloquer sa respiration, et on lui a donné plusieurs coups sur la poitrine. D’un coup, il est tombé par terre et a commencé à avoir des spasmes. On a cru qu’il faisait semblant. Ça n’a duré que quelques secondes, puis il a repris ses esprits. La sonnerie a retenti, et on est tous retournés en classe. On pensait que c’était fini. Sauf que quelqu’un avait filmé la scène et a posté la vidéo sur le groupe de classe. On a été convoqués par la principale. C’est en la voyant la vidéo que j’ai réalisé la gravité de ce qu’on avait fait. J’ai compris qu’il ne faisait pas semblant, qu’il s’était vraiment évanoui. J’ai été suspendu une semaine, et j’aurais pu être exclu alors que je suis bon élève. J’ai même failli avoir des problèmes avec la justice. » Jules, 14 ans

« S’évanouir, c’est grave », Françoise Cochet, présidente de l’APEAS, une association de prévention des jeux dangereux

« Dans les interventions de sensibilisation que je mène dans les collèges, je remarque que les ados ne comprennent pas bien le fonctionnement du corps humain. Ça les pousse à prendre des risques inconsidérés. Ils croient que tomber dans les pommes, c’est rigolo, mais en réalité, c’est très grave. C’est le signe que le cerveau, l’organe principal du corps humain, souffre. Cela s’appelle une anoxie cérébrale, lorsque le cerveau est privé d’oxygène. Il coupe alors certaines fonctions pour préserver les organes vitaux, c’est pour ça qu’on s’évanouit. Le risque majeur, c’est l’arrêt du cœur. On estime qu’au-delà de trois minutes d’arrêt cardiaque sans réanimation, il y a peu d’espoir de n’avoir aucune séquelle. »

Témoignages d’adolescent(e)s sur les jeux dangereux

« Il ne faut jamais se forcer à participer à quoi que ce soit qui nous met mal à l’aise. Même si tout le monde le fait, on a le droit de dire non. » Alba, 13 ans

« Parfois, avec les copains, on a tendance à s’entraîner à faire des trucs pour rigoler, mais on ne se rend pas toujours compte que c’est dangereux. » Mathis, 14 ans

« Je voulais vous parler du jeu du foulard, qui en fait n’est pas du tout un jeu. J’ai un ami de 13 ans qui est mort de ça en novembre. Il ne connaissait pas les risques et beaucoup d’ados les ignorent. Souvent, on pense qu’on ne peut pas mourir, qu’on est immortel, mais en fait, la vie ne tient qu’à un fil et il suffit de quelques secondes pour la perdre. » Joséphine, 13 ans

« J’ai entendu parler au collège du challenge de la canette. Quelqu’un te lance un objet, tu dois le rattraper et le relancer sur une autre personne. Mais si tu le fais tomber, tout le monde se jette sur toi et te frappe. Franchement, ça fait peur ! » Kylian, 13 ans

« J’ai vu des vidéos sur les réseaux sociaux d’une fille qui parlait du paracétamol challenge. Elle incitait ses followers à avaler le plus grand nombre de comprimés possible, mais c’est très grave. J’en ai parlé avec ma mère, elle m’a expliqué que le paracétamol peut abîmer le foie. » Elena, 13 ans

“Jeux dangereux, comment y faire face ?”, Okapi n° 1229, 1er octobre 2025. Texte : Olivia Villamy. Illustrations : Isabelle Maroger.

Couverture du magazine Okapi n° 1229, 1er octobre 2025.