“Total respect dans mon collège”, Okapi n°1103, 1er janvier 2020. Texte : Sandrine Pouverreau. © Yann Coatsaliou/AFP.
© “Total respect dans mon collège”, Okapi n°1103, 1er janvier 2020. Texte : Sandrine Pouverreau. © Yann Coatsaliou/AFP.

Respect au collège : quand les ados s’en mêlent

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Au collège règne souvent la loi du plus fort, l’individualisme ou l’esprit de bande. De nombreux établissements se retroussent heureusement les manches pour améliorer l’ambiance, avec l’aide des premiers concernés : les collégiens. Dans son numéro daté du 1er janvier, le magazine Okapi met en avant cinq de ces initiatives en France. De quoi donner de bonnes idées à tous et à toutes ! Et l’occasion idéale, pour Okapi, de souhaiter une belle et heureuse année à ses lectrices et ses lecteurs, ainsi qu’à leurs parents.

Le collège, une entrée dans le monde de l’adolescence

Pour les enfants, comme pour leurs parents, l’entrée au collège marque une rupture importante dans une vie jusqu’ici bien rangée. Au-delà des apprentissages et de l’organisation de la scolarité, le collège marque surtout une entrée dans le monde de l’adolescence, avec ses découvertes, ses difficultés, ses choix nouveaux, sa prise d’autonomie.

Nul besoin d’être fin psychologue pour s’en rendre compte : un trimestre aura largement suffi pour que ce soit un autre enfant qui rentre maintenant à la maison le soir. Chargé de codes parfois difficiles à décrypter, d’un langage franchement relâché et d’attitudes pour le moins déconcertantes… voire énervantes ! Loin du long fleuve tranquille, et en dehors des salles de classe, le collège est aussi le lieu d’une socialisation nouvelle où, malheureusement, la loi du plus fort, l’individualisme ou l’esprit de bande tiennent une place trop importante. Malgré leur bonne volonté, les collèges restent parfois démunis à empêcher l’ambiance de dégénérer, au détriment des plus timides ou des plus isolés.

Redonner tout son sens au “vivre ensemble”

Heureusement, de nombreux établissements se retroussent les manches pour améliorer l’ambiance et redonner tout son sens au “vivre ensemble”, avec l’aide des premiers concernés : les collégiens. Du rituel d’accueil, où les enseignants saluent chaque élève et prennent nouvelle de leur moral, à l’enquête de fond sur les insultes qui fusent dans la cour de récré, réalisée par les élèves eux-mêmes, en passant par le challenge de bonne conduite qui récompense les 5e et 4e en fonction des marques de respect qu’ils manifestent, les initiatives passionnantes ne manquent pas.

Dans son numéro daté du 1er janvier, le magazine Okapi met en avant cinq de ces initiatives. Et recueille les témoignages des collégiens qui évaluent chacune de ces expériences et l’amélioration de l’ambiance qu’elles ont entraînée dans la cour… et dans les cours ! Avec une conclusion forte : partout où la question du respect est abordée de front, la situation évolue dans le bon sens avec l’appui des enfants. De quoi donner de bonnes idées à tous et à toutes.

Cette enquête de terrain de six pages, publiée début janvier, est l’occasion idéale pour Okapi de souhaiter une belle et heureuse année à toutes ses lectrices et tous ses lecteurs, ainsi qu’à leurs parents.

François Blaise, rédacteur en chef du magazine Okapi

 

“Total respect dans mon collège”, Okapi n°1103, 1er janvier 2020. Texte : Sandrine Pouverreau. © Yann Coatsaliou/AFP.

© Yann Coatsaliou/AFP

“Total respect dans mon collège”, extrait du magazine Okapi du 1er janvier 2020

Avoir du respect pour les autres, c’est apprendre à vivre avec eux. Pour lutter contre les incivilités, des collèges ont mis en place des actions “bonne conduite”. Et ça marche !

Être irrespectueux envers les profs, insulter ses camarades, bavarder en cours, mettre à l’écart certains élèves, maltraiter les autres, ne pas être solidaire… La liste des incivilités au collège est malheureusement très longue. Au point que vous ne vous rendez même plus compte de votre propre comportement irrespectueux ! Or, si vous ne respectez pas les autres, ne vous attendez pas à ce que les autres vous respectent ! Heureusement, ce n’est pas une fatalité. Okapi a rencontré cinq collèges où élèves et équipe pédagogique se sont retroussé les manches pour changer cette situation et permettre aux uns et aux autres de mieux vivre ensemble.

Un rituel d’accueil au collège Saint-Exupéry, à Saint-Laurent-du-Var (06)

Le bien-être des élèves, c’est très important ! Et ça commence par une bonne ambiance à l’entrée des cours. “Depuis deux ans, nous avons mis en place un rituel d’accueil, explique Mourad Ighzernali, CPE. Les professeurs attendent les élèves devant la classe et les saluent d’un “bonjour”, un par un. Ils peuvent ainsi constater l’état émotionnel de l’élève.” Les professeurs d’EPS ont adopté une version améliorée de ce rituel : en arrivant en cours, l’élève indique sur un tableau le smiley qui lui correspond ce jour-là (de vert à rouge) et salue son professeur avec, au choix, une poignée de main, un hug ou un check.

L’avis des élèves

“C’est une bonne façon de commencer le cours ! Généralement, j’appuie sur le smiley vert et je fais un hug à mon prof. Mais quand un élève appuie sur le smiley rouge, le prof va faire plus attention à lui en venant lui demander ce qui ne va pas. Et même ses camarades font attention à lui en étant plus sympas. Ça met une meilleure ambiance dans la classe.” Gabriel, 12 ans.

“Au début de chaque cours d’anglais, par exemple, la prof nous demande, un par un, de dire comment on va (en anglais, évidemment). Ça prouve qu’elle s’intéresse à nous. Et nous, on est plus à l’aise une fois qu’on a dit ce que l’on a sur le cœur.” Marie-Lou, 12 ans.

“Total respect dans mon collège”, Okapi n°1103, 1er janvier 2020. Texte : Sandrine Pouverreau. © Romain Lafabregue/AFP

© Romain Lafabregue/AFP

Les gros mots, c’est fini ! au collège Étienne-Jean Lapassat, à Romans-sur-Isère (26)

Dans les couloirs et les cours de la plupart des collèges français, les insultes fleurissent quotidiennement, sans que les élèves soient vraiment conscients de la violence qu’elles véhiculent ! Ici, l’année dernière, les dix élèves du Conseil de la vie collégienne ont décidé de changer les choses. “Ils ont enquêté sur les agressions verbales dans l’établissement, explique Audrey Nodin, CPE. Ils ont aussi envoyé un questionnaire à tous les élèves… et à l’équipe pédagogique ! Le résultat de leur travail a été condensé dans une vidéo où ils dénoncent ce problème !”

L’avis des élèves

“Avant de prendre part à ce projet, je disais, moi aussi, pas mal de gros mots… Lors de notre enquête auprès des élèves, on a relevé plus de 186 insultes en cinq jours. Et quand on leur a demandé s’ils trouvaient cela normal, 78 % ont répondu négativement. Dans notre vidéo, on a même fait dire des insultes aux adultes… et cela a choqué les élèves, qui pourtant disent la même chose ! Aujourd’hui, on est nombreux à faire plus attention.” Ryan, 13 ans.

“Cette vidéo a pour objectif de faire prendre conscience aux autres collégiens qu’il faut arrêter de s’agresser en permanence. Pourtant, certains continuent. Désormais, ils sont collés et ils doivent regarder une vidéo où sont répétées en boucle ces insultes pendant 10 minutes, puis réfléchir à leur comportement et rendre une analyse là-dessus.” Adrien, 12 ans.

Des points pour le comportement au collège Thomas-Riboud, à Bourg-en-Bresse (01)

Les élèves de 5e et de 4e participent à un challenge qui récompense ceux et celles adoptant une bonne conduite. “Toutes leurs actions positives ou négatives sont comptabilisées, explique Sébastien Legrand, professeur d’EPS. Par exemple, les élèves qui fréquentent le CDI peuvent gagner jusqu’à 50 points. Idem pour ceux qui prennent les cours d’un camarade absent.” Mais si un élève bavarde, il perd 5 points. S’il arrive en retard en cours, il perd 10 points. Et la classe en gagne ou en perd autant, car un classement est aussi effectué au niveau collectif. “Il s’agit de faire prendre conscience aux élèves que leur comportement a une incidence sur les autres.” Et il y a une récompense à la clé : la classe arrivée première en fin d’année gagne trois jours de stage d’activités en plein air !

L’avis des élèves

“Ce challenge m’a rendu plus responsable. Avant, quand j’avais une croix pour bavardage, cela ne me faisait rien. Maintenant, je sais que je peux perdre des points, et ma classe aussi. Alors, je me suis calmé. Et ça m’a aussi poussé à être volontaire pour des actions dans le collège, comme aider à ranger les chaises au self.” Arthur, 13 ans.

“Dans ma classe, des élèves ne jouaient pas le jeu : ils nous faisaient perdre des points. Je suis allée en voir certains pour leur expliquer l’enjeu du challenge. Du coup, ils ont fait un effort pour oublier moins souvent leurs affaires, pour être moins en retard, tout ça. Ce challenge favorise la solidarité entre élèves !” Louana, 13 ans.

“Total respect dans mon collège”, Okapi n°1103, 1er janvier 2020. Texte : Sandrine Pouverreau. © photos : Yann Coatsaliou/AFP (gauche), Clément Mahoudeau/AFP (droite)

© Yann Coatsaliou/AFP (gauche), Clément Mahoudeau/AFP (droite)

Un débat autour de la parité au collège des Seize-Fontaines, à Saint-Zacharie  (83)

Au collège, les relations entre les filles et les garçons ne sont pas toujours faciles… “Afin de changer le regard des uns sur les autres, nous avons organisé un débat filmé avec nos élèves de 4e autour de la question : “L’égalité entre hommes et femmes existe-t-elle ?” explique Mathilde Bernos, professeure documentaliste qui a travaillé sur ce projet avec ses collègues de SVT et de français. “Les élèves ont tous incarné un personnage (avocat, policier, médecin…) défendant une opinion reposant sur des arguments solides (statistiques, faits historiques ou d’actualité…) récoltés au CDI.” Ce débat a donné lieu à des échanges parfois musclés entre élèves. Mais il leur a aussi appris à respecter la parole des autres et à réfléchir sur l’égalité entre filles et garçons.

L’avis des élèves

“J’ai travaillé sur les violences faites aux femmes en tant qu’avocate lors du débat. J’ai été choquée d’apprendre que 149 femmes étaient décédées sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint en 2018. On en parle beaucoup, mais quand on a les chiffres sous les yeux, ça fait peur. Ce qui n’a pas empêché certains garçons de ricaner, certainement par provocation…” Jeanne, 14 ans.

“Personnellement, ça m’a fait réfléchir sur mon avenir : j’aimerais devenir pompier professionnel, un métier finalement pas réservé aux hommes ! Mathilde, 14 ans.

“J’étais présentateur lors du débat… et j’ai appris des tas de choses ! Par exemple, je ne savais pas qu’une femme pouvait être moins payée qu’un homme pour le même travail ! Aurélien, 14 ans.

Le sport à l’honneur au collège Jean-Moulin, à Alès (30)

Les élèves mouillent le maillot pour mieux vivre ensemble ! Depuis quatre ans, leurs professeurs Jean-Marc Ceyrat (documentaliste) et Grégory Viala (anglais) ont décidé de promouvoir les valeurs du rugby. “Nos collégiens ne connaissaient que le foot, qui véhicule des valeurs d’individualisme et d’argent. Le rugby envoie des messages à l’opposé de cela, comme l’intégrité, la solidarité ou la discipline. On a commencé lors de la Coupe du monde de 2015 : les professeurs d’EPS ont travaillé sur l’arbitrage dans le rugby. On a aussi parlé de la volonté dans ce sport ou de solidarité avec le haka (la danse traditionnelle des joueurs de Nouvelle-Zélande). Et, l’an dernier, des classes de 3e ont travaillé sur les discriminations et le sexisme, avec le club de rugby de Montpellier.”

L’avis des élèves

“On est allés passer une journée avec les joueurs et les joueuses du club pour discuter de la lutte contre les discriminations. On a rencontré une des stars du club, Fulgence Ouedraogo, qui nous a parlé du racisme dont il est parfois victime dans sa vie privée parce qu’il est avec une femme blanche. On a parlé aussi des salaires et j’ai été scandalisée d’apprendre qu’il existait une énorme différence entre les joueuses et les joueurs… alors qu’ils font la même chose ! Nous en avons ensuite discuté en classe et ça nous a tous fait réfléchir. D’une manière générale, toutes ces initiatives autour du rugby ont amené plus d’entente entre élèves.” Nawell, 15 ans.

“Total respect dans mon collège”, Okapi n°1103, 1er janvier 2020. Texte : Sandrine Pouverreau. © photos : Yann Coatsaliou/AFP, Romain Lafabregue/AFP, Clément Mahoudeau/AFP

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