Qu’ils sont rigides, parfois, nos tout-petits, avec leurs habitudes : pas question d’inverser l’ordre entre pyjama, biberon, histoire du soir ou toutes autres grandes étapes de leur quotidien ! Mais pourquoi de nombreux bébés aiment-ils à ce point la routine ? Et quels sont les bienfaits des rituels pour leur développement ?
Anne Bideault, journaliste, maman de trois grands enfants : « Dans sa poussette, ma fille hurlait si j’avais le toupet de changer d’itinéraire pour aller à la crèche. Trois ans plus tard, sa petite sœur s’indignait si nous changions une seule phrase dans son album préféré. Et pour s’habiller, il fallait toujours commencer par les chaussettes, jamais par la culotte. Ça me déstabilisait : perso, j’aime bien l’impro ! Cette attirance pour la répétition s’explique : certes, le cerveau humain a une immense capacité d’adaptation, mais pour construire ses repères et ancrer les apprentissages, il a besoin de répéter, répéter, répéter.

À l’âge des lecteurs de Popi (1-3 ans), l’activité cérébrale est phénoménale : tout est à découvrir, à engranger. Au cours d’une journée, beaucoup de choses échappent aux tout-petits, souvent ballottés de-ci de-là. Dans cet incroyable processus, les habitudes apportent du répit, elles reposent et rassurent : « Ouf, ça, je (re)connais ! » Ritualiser la vie des petits soutient donc leur développement. Et j’ai fini par réaliser qu’instaurer des routines simplifiait aussi notre quotidien de parents : le matin, on ne se pose pas de questions, on enchaîne dans un ordre immuable, le soir, même chose. »
Des routines pour rythmer la vie
« Quand notre fils est né, aucun jour ne se ressemblait. Impossible de le caler sur un rythme, et c’était compliqué. On s’est mis à son écoute et depuis, à son initiative, c’est un vrai métronome ! On ne peut pas le nourrir après 18 h 45, ni le coucher après 19 h 45. Sinon, il refuse de manger ou de dormir. Pareil pour la sieste : si on rate 13 h, il ne dormira pas. On sent que cela le rassure. » Julia, maman de Sasha, 5 ans, et Pio, 18 mois.

Des rituels pour rassurer
« Le soir, une fois les histoires lues, on éteint tout, on raconte la journée puis on explique ce qui va se passer le lendemain, histoire de ne pas s’endormir dans l’inconnu. Et les garçons réclament “le violon et le violoncelle”, à savoir le Canon de Pachelbel ! Le plus souvent, ils s’endorment facilement. » Andrès, papa de Léon et Marcel, 3 ans et demi.

« Quand Paul est né, on a vraiment eu du mal à renoncer à notre vie sociale ! On nous a parlé du lit-parapluie portable, et depuis, quand on va chez des amis, on l’installe. Si Paul est fatigué, il demande son lit. C’est son repère. » Gilles, papa de Paul, 2 ans.
Des rituels pour sentir qu’on s’aime
« La lecture du soir, avec mon petit garçon sur les genoux, c’est aussi un rituel pour moi ! J’adore ce moment avec lui et j’y déroge très rarement, d’autant que je ne suis pas sûre que son père le fasse quand notre fils est chez lui. » Marie-Adeline, maman de Gustave, 2 ans et demi.

Des rituels pour se séparer
« Je leur ai enseigné quelques mots de la langue des signes, que je verbalise en même temps. Quand je les quitte le matin, mon rituel à moi, c’est de leur faire le signe “Je t’aime”. C’est un geste doux et affectueux, comme un top départ qui dit “Maman part”. » Julia, maman de Sasha, 5 ans, et Pio, 18 mois.

Des rituels pour donner du sens
« À chaque repas, on a pris l’habitude de remercier celle ou celui qui a cuisiné. Pour nous, il est important que notre fils comprenne que donner du temps aux autres n’est pas un dû. J’espère qu’il participera aux tâches ménagères plus tard ! » Gabriel, papa d’Antonin, 2 ans.

Des routines pour favoriser l’autonomie
« Tous les matins, on fonctionne dans le même ordre : petit déjeuner, habillage qui finit par les chaussettes, les chaussures, et c’est parti pour la crèche. Comme il connaît l’enchaînement, Antonin commence à anticiper : j’ai moins souvent besoin de lui rappeler ce qu’il a à faire. » Gabriel, papa d’Antonin, 2 ans.

Jamais éternels, les rituels
« Ma fille aînée a aujourd’hui 5 ans. Elle m’a dit un jour : “Maman, la musique pour s’endormir, tu peux arrêter.” Ce rituel n’avait plus de sens pour elle. Elle a grandi et fait le tri dans ce dont elle a besoin. » Julia, maman de Sasha, 5 ans, et Pio, 18 mois.

Et si on a du mal à se tenir aux rituels ?
Anne Bideault : « Chez ma cousine, quoi qu’il arrive, les enfants étaient au lit à 20 h, après un enchaînement réglé comme du papier à musique. Chez nous, c’était parfois du grand n’importe quoi, selon l’expression consacrée ! J’avais du mal à garder l’œil sur l’horloge, à résister à l’apéro improvisé avec les voisins, à interrompre un enfant concentré sur un jeu… Bref, les routines, ce n’était pas mon truc ! Résultat, oui, on a souvent galéré au moment du coucher. Mais on s’en est remis, et nos enfants aussi ! Et puis, au sein même d’une fratrie, chaque enfant est différent. Certains s’accommodent bien des variations, quand d’autres ont (à ce stade !) davantage besoin de repères. »
“Routine, rituels… sont-ils vraiment utiles ?”, article extrait du magazine Popi n° 471, novembre 2025. Texte et recueil des témoignages : Anne Bideault. Illustrations : Pierre Thyss.



VIVRE ENSEMBLE, des ressources extraites des magazines Bayard Jeunesse
