En 2025, la santé mentale a été déclarée grande cause nationale par le gouvernement français. Et pour cause : près de 12 millions de Français sont concernés chaque année*. Nos ados, particulièrement exposés et fragiles, ne sont pas épargnés : troubles du comportement alimentaire, anxiété, situations de harcèlement, idées suicidaires… Bayard Jeunesse a développé une sensibilité particulière sur ces sujets pour apporter conseils et réponses, en s’appuyant sur l’expertise de spécialistes, sans donner de leçons.
En octobre, dans Okapi, le magazine des collégien(ne)s, nos journalistes abordent le sujet des phobies, plus présentes qu’on l’imagine à cet âge. L’autrice de littérature jeunesse, Clémentine Beauvais, dont l’ouvrage Rouge vient de paraître, revient dans une interview sur sa propre expérience, tandis que plusieurs collégien(ne)s qui souffrent de phobies sociales ou “spécifiques” franchissent le pas pour en parler et chercher à en sortir (lire l’article ci-dessous).
C’est l’occasion, en famille, de créer du dialogue avec nos ados : l’une des voies préventives essentielles pour les aider à aller mieux, disent les spécialistes. Et c’est possible ! Il n’y a d’ailleurs pas de plus belle récompense que ce courrier récent d’une lectrice, que nous publions aussi cet automne, et qui résume à merveille notre ambition et notre engagement : « Quand je suis triste et que j’ai besoin de parler / Okapi séchera toujours mes larmes et me permettra d’avancer. / De triste à joyeux, Okapi sera toujours là, / Pour te remonter le moral quand tu n’en as pas. »
Jean-Yves Dana, rédacteur en chef du magazine Okapi

Qu’est-ce que la phobie sociale ?
La phobie sociale, c’est la peur irraisonnée d’être exposé(e) aux autres dans certaines situations : quand il faut prendre la parole en public, par exemple, ou quand on ne peut s’empêcher de rougir au moindre regard.
“Être avec les autres élèves, ça m’angoisse”
« Je suis enfant unique et j’ai grandi avec des personnes plus vieilles que moi. Du coup, j’ai toujours été mal à l’aise avec les enfants de mon âge. Mes relations avec eux ont toujours été compliquées. À l’école primaire, je les appréhendais car j’étais timide et les autres me “marchaient” dessus. Arrivée au collège, ça s’est dégradé. Sans doute à cause de ma maturité, j’ai commencé à être harcelée par deux filles de ma classe, pourtant des amies. Je n’en ai parlé à personne, mais j’ai commencé à avoir des crises d’angoisse. Je ne voulais plus aller en cours par crainte d’être avec les autres élèves. D’ailleurs, j’ai décroché pendant deux mois. En 5e, le schéma s’est reproduit malgré un changement de collège. Après avoir été en cours une semaine sur deux, j’ai tout arrêté. Aujourd’hui, je suis suivie par un psy et une thérapeute pour m’aider à surmonter mon anxiété sociale et à retourner un jour au collège.” Anonyme, 14 ans
Le conseil d’Okapi
Avec tes parents, tu peux demander des horaires au collège : venir seulement le matin par exemple. Un certificat médical sera sans doute nécessaire. Maintenir un lien avec le collège est important pour ne pas t’isoler et avancer dans ta scolarité. Et il est indispensable d’être suivi(e) par un(e) psychologue qui t’aidera à réduire ton angoisse.

“J’ai trop peur de me retrouver seule”
« Quand je suis invitée à une soirée pyjama chez une copine ou quand je dois aller dormir chez mes grands-parents, je suis super contente. Pourtant, au moment d’aller me coucher, c’est l’angoisse. Je n’y arrive pas : je pleure, j’ai mal au ventre, à la tête… Et mes parents sont obligés de venir me chercher. C’est irrationnel, je n’arrive pas à l’expliquer. Cette année, un voyage scolaire est prévu et ça m’angoisse déjà depuis des mois. » Anonyme, 11 ans
Le conseil d’Okapi
Cette peur s’appelle « l’autophobie » : la peur intense et irrationnelle de se retrouver seul(e) ou abandonné(e). C’est une angoisse réelle. Il faut exprimer ce que tu ressens à tes parents : peur de l’abandon, de ne pas savoir gérer seul(e)… Puis commence par des petites séparations (une nuit chez tes grands-parents) et apporte un objet qui te réconforte (photo, bijou, doudou discret, playlist chill…). Prévois aussi un moment pour envoyer un message ou appeler tes parents.
“Je rougis tout le temps”
« Quand il faut parler devant toute la classe, quand je suis interrogé par un prof ou quand je parle de choses “gênantes” avec mes parents… Je tremble, mes mains deviennent moites, je claque des dents. Je ne peux m’en empêcher. Et cela me gêne beaucoup. J’ai l’impression que tout le monde se moque de moi. Mes parents m’ont conseillé de faire du théâtre, mais ça ne m’attire pas ! Auriez-vous une solution ? » Léo, 12 ans

Le conseil d’Okapi
De petits exercices peuvent t’aider : demande l’heure à quelqu’un dans la rue, puis, un autre jour, lors d’une discussion, regarde longuement la personne en face de toi dans les yeux, en te focalisant sur un détail de son apparence… Et, si ça peut te rassurer, cette phobie disparaît toute seule, avec le temps, à mesure que l’on prend confiance en soi.
Qu’est-ce que la phobie spécifique ?
On parle de phobie spécifique pour désigner la peur incontrôlée d’un objet (aiguille, masque…), d’un animal (araignée, chien…) ou d’une situation précise (avion, vide, orage…).
“Impossible pour moi d’approcher un chien”
« Quand j’étais à la maternelle, je suis tombé nez à nez avec le chien du gardien de l’école en ouvrant une porte. Il m’a aboyé dessus et j’ai eu très peur. Une autre fois, en classe découverte, une fille de ma classe s’est fait mordre. J’ai commencé à avoir la phobie de cet animal. Aujourd’hui, quand je vois un chien, j’ai une boule dans le ventre, je tremble… Si je parle, je m’arrête net. J’ai beau me dire qu’il ne va pas me faire de mal, c’est irrationnel. J’ai peur, et mon corps me dit de m’éloigner. Quand j’aperçois un chien dans la rue, je traverse. Même les petits chiens me font peur, je ne veux pas qu’ils m’approchent même s’ils sont gentils. Ça ne m’empêche pas de vivre, mais c’est désagréable car j’habite un quartier pavillonnaire avec pas mal de chiens. Et je suis capable de changer d’itinéraire en allant à l’école pour ne pas passer devant une maison où il y a un chien… » Anonyme, 12 ans

Le conseil d’Okapi
Tu as compris d’où te vient cette peur des chiens, c’est important. Pour la dépasser, il te faut comprendre le langage de ces animaux, savoir quand ils sont calmes, joyeux, stressés. Tu peux les observer de loin dans un parc ou regarder des vidéos. Dans un second temps, si tu es d’accord, tu pourras rencontrer un chien doux bien éduqué avec un adulte de confiance, qui t’expliquera les bons gestes. Peu à peu, tu tenteras d’être dans la même pièce, de t’asseoir à proximité, enfin de le caresser et lui tendre une friandise.
“Le sang m’effraie”
« J’ai la phobie du sang, à tel point que lorsqu’on me fait une prise de sang, je ne me sens pas bien. Dès que je saigne, je suis à deux doigts de m’évanouir. Cela me pourrit la vie. En plus, je vais bientôt avoir mes règles et cela me stresse. » Anonyme, 12 ans et demi

Le conseil d’Okapi
Tu souffres d’hématophobie. Face à cela, tu peux commencer par penser au sang quelques secondes, puis plus longtemps. Ensuite, regarde des dessins de gouttes de sang, des images douces – des BD, des films pas trop gores – et de courtes vidéos médicales ou de dons du sang. Chaque fois que tu sens l’angoisse monter, pratique la méthode de tension musculaire : contracte les muscles de tes jambes, de tes bras et de tes fesses très fort pendant 10-15 secondes, puis relâche 20 secondes (à répéter 4 à 5 fois de suite).
“J’ai peur du vide”
« Dès que je suis en hauteur (un balcon, un pont…) ou si je regarde par la fenêtre d’un étage élevé, c’est la panique totale. J’ai des palpitations, le ventre noué… Je suis au bord du malaise. Rien que de penser que je puisse me trouver dans cette situation, je me sens mal ! Bien sûr, l’accrobranche ou l’escalade, c’est impossible pour moi. » Anonyme
Le conseil d’Okapi
La peur du vide – ou acrophobie – est un réflexe : ton cerveau détecte le danger potentiel de tomber et active l’alerte. Mais ressentir la peur ne veut pas dire que l’endroit est dangereux. Pour atténuer ces symptômes : commence par regarder des vidéos de hauteurs, monte sur une marche ou un petit muret et regarde le sol, puis monte au premier étage et regarde par la fenêtre quelques secondes. À chaque palier, reste jusqu’à ce que l’angoisse baisse. Et quand tu te trouves en hauteur, regarde devant toi, tes pieds fermement ancrés au sol.
“Les phobies se soignent !”
Antoine Pelissolo, psychiatre, chef du service de psychiatrie au CHU Henri-Mondor à Créteil : « Si on prend les choses assez tôt, on peut supprimer ses phobies. Je conseille d’en parler à ses parents, à un(e) autre adulte de confiance, à l’infirmier(ère) scolaire… On peut aussi consulter un(e) psychologue. Ça permet de mettre des mots sur ses angoisses et d’essayer de comprendre les raisons de sa peur. »
Connais-tu ces phobies ?
Ablutophobie : peur de se baigner, de la noyade.
Alektorophobie : peur des poules, des poulets et des coqs.
Automysophobie : peur de sentir mauvais.
Basophobie : peur de tomber en marchant.
Nomophobie : peur d’être séparé(e) de ton téléphone portable.
Omphalophobie : peur des nombrils.
Trypophobie : peur des petits trous.
Pantophobie : peur de tout !
“Plus fort(e) que mes phobies !”, Okapi n° 1229, 1er octobre 2025. Texte : Sandrine Pouverreau. Photos : Antoine Boureau / Hans Lucas. Illustrations : Yomgui Dumont.
Un grand merci à Antoine Pelisollo, médecin psychiatre, et aux élèves de l’école du Complexe pour leur participation.
* Source : rapport 2023 ”La santé mentale en France et dans les pays de l’OCDE”.
Rouge, de Clémentine Beauvais : un roman jeunesse sur l’éreutophobie et la phobie sociale chez les adolescents
Roxane rougit pour un rien : un regard inconnu, une question inattendue, une connaissance croisée dans la rue… Ce rouge aux joues, c’est son cauchemar, son calvaire. À tel point qu’elle accepte la proposition un peu folle de Fleur, rencontrée sur un forum : participer à une émission de téléréalité pour gagner une opération très chère, pratiquée aux États-Unis. L’objectif ? Ne plus jamais rougir et se débarrasser de son éreutophobie !

Cette nouvelle, publiée pour la première fois dans le magazine Je bouquine, sort aujourd’hui en livre, accompagnée de l’interview d’Antoine Pelissolo, psychiatre spécialiste des phobies sociales. Il est vendu en partenariat avec l’association UNAFAM (Union nationale des familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques).
“Rouge”, de Clémentine Beauvais (Bayard Jeunesse). En librairie dès le 24 septembre et disponible en livre audio. À partir de 11 ans.
À lire dans Phosphore, le magazine papier et numérique des 14-19 ans
Confrontés à de nombreux changements, défis et pressions, les ados peuvent se sentir plus fragiles psychologiquement. Le magazine Bayard Jeunesse, Phosphore, en parle avec Samuel Dock, psychologue et auteur de Santé mentale : comment faire face ? (collection ALT).