Stop aux violences sexuelles, un livret du magazine Phosphore n°549, 1er mars 2023. Illustration : Alix Garin.
© Illustration : Alix Garin.

Un livret pour protéger les adolescents contre les violences sexuelles

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Dans ses pages, Phosphore répond régulièrement aux interrogations des plus de 14 ans pour les aider à construire leur vie affective et sexuelle, à l’âge des découvertes et des premières fois. Le magazine aborde aussi des situations graves, quand il n’est plus question d’amour mais de violences sexuelles… qu’il faut absolument prévenir, dénoncer et combattre en informant. C’est l’objectif de ce livret, à lire dans le numéro du 1er mars ou à télécharger pour protéger votre adolescent(e).

Stop aux violences sexuelles, un livret du magazine Phosphore n°549, 1er mars 2023. Illustration : Alix Garin.

L’âge des découvertes et des premières fois

Dans Phosphore, nous vous parlons de sentiments, de relations, d’amour et de sexualité, à l’âge des découvertes et des premières fois. Il nous semble important de répondre à toutes vos questions sur ce sujet. Pour donner des clés, interroger des experts et revenir avec des informations fiables et claires, partager des témoignages qui aident à construire sa vie affective et sexuelle, à son rythme. Ce sujet nous amène parfois à parler de situations graves où il n’est plus question de découvertes et d’amour mais d’agressions et de violences. Il nous paraît aussi nécessaire de vous parler de ces violences sexuelles : car informer, c’est la première étape pour prévenir ces violences, les détecter, les dénoncer et les combattre. Ce livret regroupe aussi les informations pour trouver de l’aide, qu’on soit victime, qu’on connaisse une victime ou qu’on s’inquiète pour un·e ami·e.

À la base, il y a le consentement

On entend souvent ce mot mais dans la vie, on demande rarement : “Es-tu consentant·e ?” Il s’agit pourtant de la base de toute relation sexuelle : être d’accord pour toucher et être touché·e, pour embrasser et être embrassé·e, pour caresser et être caressé·e. Et que l’autre le soit aussi.

Ce n’est pas parce qu’on flirte qu’on est d’accord pour aller plus loin. Garçon comme fille, on peut avoir envie de séduire et d’être séduit·e, jouer des regards et des sourires. On peut aussi se sentir flatté·e que quelqu’un de plus âgé ou de connu nous aborde. Ce n’est pas forcément une invitation à un baiser ou un rapprochement. Chacun est libre de dire stop à tout moment. Et à l’autre de le respecter, dès cet instant.

Ce n’est pas parce qu’on a commencé un rapport sexuel qu’on ne peut pas y mettre fin. On peut être attiré·e, excité·e, commencer à se toucher. On peut aussi, tout d’un coup, ne plus avoir envie du tout, trouver que c’est allé trop vite. Un rapport sexuel commence quand on veut, s’arrête où l’on veut, et la pénétration n’est jamais une obligation. Un rapport dure tant que les deux personnes en ont envie. Si l’une n’a plus envie, c’est elle qu’il faut écouter.

Ce n’est pas parce qu’on est amoureux qu’on est forcément partant pour faire l’amour. Être en couple, s’aimer très fort, ça ne veut pas dire que l’on est obligé·e de faire l’amour si l’on n’est pas prêt·e ou si l’on n’en a pas envie. Et le chantage ne fait pas partie de l’amour. Aimer, ce n’est jamais forcer, c’est toujours être attentif·ve à l’autre et se respecter.

Ce n’est pas parce qu’on a eu une première relation sexuelle qu’il y en aura une deuxième. On peut avoir voulu une fois, et pas la fois d’après. Le consentement se donne et se reprend. Avoir dit “oui” une fois ne vaut que pour cette fois-là. Ce n’est pas parce que la tête dit “oui” que le corps suit. Si ton ou ta petit·e ami·e te dit qu’il ou elle a envie mais que son corps est bloqué, que vous ne sentez pas de signes d’excitation (lubrification du vagin, érection du pénis), à toi de lui demander si ça va et s’il ou elle ne préfèrerait pas s’arrêter. Sans pression : l’amour, ce n’est pas toujours qu’une question de désir et d’envie, c’est aussi une question de moment et de temps.

À la base, il y a le consentement. Livret Stop aux violences sexuelles. Phosphore n°549, 1er mars 2023. Illustration : Alix Garin.

Il n’y a pas de consentement possible quand… la relation passe par la violence, la menace, la surprise (aborder une personne qui n’est pas dans son état normal, qui a bu ou qui est endormie, par exemple), la contrainte physique ou morale (un prof, un entraîneur qui abuse de sa position d’autorité, notamment lorsque l’écart d’âge est important, par exemple).

  • À voir : Le Sexotuto sur le consentement, sur Lumni. Au cours du petit-déjeuner dans leur coloc, les comédiens Ambre Larrazet et Eddy Moniot t’expliquent clairement le consentement avec une métaphore à base de céréales et un exemple concret lors d’une soirée.
Capture d'écran du Sexotuto sur le consentement, à voir sur Lumni. Livret Stop aux violences sexuelles. Phosphore n°549, 1er mars 2023.

Qu’est-ce qu’une violence sexuelle ?

On parle de violences sexuelles pour désigner des situations inacceptables et punies par la loi. Elles peuvent concerner deux adultes, un adulte et un mineur mais aussi deux mineurs. Quelles que soient les circonstances, le problème vient de l’agresseur. Jamais de la victime.

Il est interdit de…

• Imposer des propos sexuels ou sexistes (“T’es bonne !”, “Tu m’excites !”) ou des gestes déplacés : c’est du harcèlement sexuel.
• Montrer son sexe ou se masturber sans le consentement de l’autre : c’est de l’exhibition.
• Chercher à voir les parties intimes de quelqu’un à son insu : c’est du voyeurisme.
• Toucher, caresser ou embrasser une personne sans son consentement : c’est une agression sexuelle.
• Imposer une pénétration (par le sexe, le doigt, la bouche…) : c’est un viol. Et c’est un crime.

C'est quoi, une violence sexuelle ? Livret Stop aux violences sexuelles. Phosphore n°549, 1er mars 2023. Illustration : Alix Garin.

L’écran ne protège pas : la cyberviolence sexuelle aussi est interdite

On n’envoie pas de messages, de photos ou de vidéos sexuelles à quelqu’un qui n’en veut pas. On n’utilise pas de moyens de pression ou de chantage pour en recevoir non plus.
On ne montre pas et on ne diffuse jamais de photos intimes de quelqu’un sans son accord. Le revenge porn est puni par la loi.

  • Toute proposition sexuelle d’un adulte envers un mineur de moins de 15 ans est interdite. Aucun adulte ne peut t’imposer des propos, des images ou des actes sexuels. Même s’il est “sympa”. Y compris sur Internet !

Ce que les violences font au cerveau

Une effraction dans le cerveau. Une agression sexuelle porte atteinte à notre intégrité physique mais aussi à notre psychisme. Cette blessure ne se voit pas mais elle reste dans le cerveau. Tant qu’on ne l’a pas traitée, elle peut continuer de nous faire du mal. Elle affecte notre façon de penser, de ressentir, de percevoir les autres. Les conséquences peuvent prendre différentes formes : penser tout le temps à l’agression ou au contraire trouver toutes les stratégies possibles pour ne plus jamais y penser, des troubles de l’attention, du sommeil, une mauvaise image de soi… On se sent aussi souvent coupable ou honteux de ce qui nous est arrivé alors que nous n’en sommes pas responsables.

Un cerveau qui se bloque. Face à un stress intense, il arrive que la victime se retrouve figée, incapable de penser et d’agir pour crier ou fuir. Elle n’est plus aux commandes : son cerveau s’est bloqué dans un mécanisme de défense pour tenter de la protéger du danger. C’est un état de sidération.

Après une violence sexuelle, le cerveau reste dans un état de sidération. Livret Stop aux violences sexuelles. Phosphore n°549, 1er mars 2023. Illustration : Alix Garin.

Que faire ?

Si tu es victime. Parle à une personne en qui tu as confiance, qui que ce soit ! Ton père ou ta mère, quelqu’un de ta famille, un ami, un prof, un surveillant, un voisin… Si la première personne à qui tu en parles ne réagit pas ou pas comme tu voudrais, parle à une deuxième personne. Et si personne n’entend ce que tu as à dire, appelle la ligne d’écoute Fil Santé Jeunes, gérée par des professionnels : 0 800 235 236 ou va sur le tchat du site (anonyme et gratuit).

Si tu es ami·e d’une victime. Apporte-lui ton soutien en l’écoutant vraiment, en accueillant ce qu’il ou elle te confie sans demander plus de détails et sans juger. Encourage ton ami·e à parler à un adulte qui pourra l’aider. Tu peux l’aider à identifier cet adulte de confiance et lui proposer d’aller le voir ensemble. Si il ou elle refuse, parle à sa place. Briser le silence, c’est la seule façon de l’aider, car c’est le propre de la violence d’isoler, de détruire, de faire peur. Ne garde pas pour toi ce secret trop lourd à porter.

Si tu es témoin d’une agression. Pense à te mettre en sécurité et à demander de l’aide (un passant dans la rue, un surveillant dans ton établissement…) ou à appeler les secours (le 17, le 112 depuis un pays européen, le 114 pour les personnes sourdes et malentendantes). Si tu es physiquement en sécurité, tu peux détourner l’attention de la personne qui harcèle/agresse en faisant semblant de connaître la victime et en la ramenant vers toi. Beaucoup de situations se passent rapidement et il n’est pas toujours possible d’agir, mais n’hésite pas à aller voir la victime après. Il peut être utile de filmer afin de récolter des preuves en déclarant la date et le lieu. Demande toujours à la victime ce qu’elle souhaite faire de la vidéo.

  • Toute personne qui sait qu’un mineur est victime d’abus ou de violence sexuelle doit faire un signalement. Tu peux appeler le 119, ce numéro gratuit et confidentiel traite les appels des mineurs en priorité ; ou passer par le tchat, ouvert 7 jours sur 7. Tu peux signaler une violence sexuelle à la police directement, sur internet.
  • À voir : Le Sexotuto sur les violences sexuelles, sur Lumni. Eddy découvre qu’une plainte pour violence sexuelle est déposée toutes les 21 minutes. L’occasion d’expliquer, avec sa complice Ambre, les différentes formes de ces violences, toutes punies par la loi, y compris quand on est mineur.
Capture d'écran du Sexotuto sur les violences sexuelles, à voir sur Lumni. Livret Stop aux violences sexuelles. Phosphore n°549, 1er mars 2023.

Comment porter plaine ?

Le mieux est de se faire accompagner par un proche de confiance. Mais si tu ne vois personne pour y aller avec toi, tu peux te rendre seul·e à la police ou la gendarmerie. Selon les territoires, il existe différents services qui s’occupent des enfants, adolescents et des familles (brigade de protection de la famille, maison de protection des familles…). Tu peux aussi écrire au procureur de la République du département où les faits se sont déroulés, il existe un modèle de lettre.

Comment ça se passe ? Tu seras auditionné·e : un·e policier·e ou un·e gendarme te posera des questions sur les violences subies. Pour que tu n’aies pas à répéter, l’audition sera enregistrée. Tu pourras être dirigé·e vers une unité médico-judicaire pour un examen médical : il permet de recueillir des preuves dans le cas d’une agression qui vient de se dérouler (c’est difficile mais il faut éviter de se laver et de laver ses vêtements). Tu pourras aussi être reçu·e par un·e psychologue qui te posera des questions sur toi et ce qui t’est arrivé.

Et après ? Tu seras convoqué·e de nouveau par la police ou la gendarmerie. À chaque fois, tu pourras être accompagné·e par un avocat. L’enquête sera dirigée par le procureur de la République ou un juge d’instruction. À l’issue de l’enquête, il décidera s’il y a des éléments (témoignages, enregistrements, examens médicaux) pour caractériser l’infraction et envoyer l’auteur devant une juridiction (tribunal correctionnel, cour d’assises) afin qu’il soit jugé.

L’inceste

L’inceste désigne toute conduite sexuelle imposée à un mineur (caresses, baisers, pénétrations) par un membre de sa famille. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il ne s’agit pas de cas isolés : en moyenne, deux à trois enfants par classe en sont victimes.

L'inceste. Livret Stop aux violences sexuelles. Phosphore n°549, 1er mars 2023. Illustration : Alix Garin.

Ce n’est jamais de l’amour. L’agresseur est quelqu’un de la famille (parent, grand-parent, oncle, tante, frère, sœur, beau-parent…), censé protéger les plus jeunes et vouloir leur bien. Ces actes créent une grande confusion et peuvent laisser penser qu’il n’y a rien à raconter, que c’est comme ça dans toutes les familles ou qu’il y a “trop d’amour”. Mais l’amour entre un père et sa fille, un beau-père et son beau-fils, un grand-père et sa petite-fille, un grand frère et sa petite sœur… ne passe jamais par des paroles ou des gestes sexuels.

C’est un secret empoisonné. Le secret qui entoure l’inceste ne protège que l’agresseur. Celui-ci l’entretient d’ailleurs par du chantage en expliquant par exemple que l’autre parent serait très triste s’il savait, ou bien par de la manipulation en assurant que c’est un lien particulier qui ne doit rester qu’entre eux. L’adulte sait qu’il n’a pas le droit d’agir ainsi et que c’est très grave.

Ce n’est jamais la faute de la victime. C’est difficile de parler de violences sexuelles, car on peut avoir honte, se sentir coupable, ne plus se souvenir de tout. Les victimes d’inceste craignent en plus de faire du mal à leur famille, en provoquant des tensions ou des séparations. Il ne faut jamais inverser les rôles : ce ne sont pas les victimes qui font du mal à leur famille mais bien les agresseurs qui ont franchi toutes les limites en s’en prenant à elles.

Pourquoi le silence peut-il durer longtemps ? Il arrive que les victimes ne se souviennent pas vraiment des actes qu’elles ont subis. Il faut parfois des années pour que les faits leur reviennent, à travers des flashs ou des cauchemars. C’est une forme de protection du cerveau pour tenir à distance les violences. C’est parfois à l’adolescence, lors de la puberté, qu’une victime comprend que la façon dont s’est comporté un proche n’était pas normale. La souffrance peut s’exprimer à travers des symptômes tels que des troubles de l’attachement (ne plus faire confiance à personne ou, à l’inverse, avoir une totale confiance), des idées suicidaires, des consommations d’alcool ou de drogue. Ce sont des réactions au traumatisme qui peuvent survenir des années après et qui ne seraient pas apparues s’il n’y avait pas eu de violences, c’est une manière d’exprimer la souffrance.

Que faire quand on est victime ? Parler, c’est rendre réel ce qu’on a vécu. Et c’est parfois très difficile. Mais c’est important : pour se libérer soi-même et pour que les autres sachent. Pour qu’ils t’aident, qu’ils te protègent et que ces actes ne se reproduisent plus. Parler, au rythme qui est le tien, avec les mots qui te viennent. À qui tu veux, quelqu’un en qui tu as confiance, un·e ami·e, le parent d’un·e ami·e, à des professionnels, un·e psychologue, un·e infirmier·e scolaire, un·e médecin.

Que faire quand on a des doutes pour un·e ami·e ? Tu peux lui poser directement la question, ouvrir le sujet, montrer que tu es prêt·e à entendre des choses graves s’il ou elle a des choses à dire. Ce n’est jamais déplacé de s’inquiéter pour quelqu’un qu’on aime lorsque l’on remarque qu’il ne va pas bien ou qu’il ne se comporte pas comme d’habitude. Tu peux aussi aller voir un adulte pour dire que tu t’inquiètes afin qu’un·e prof, une infirmière scolaire, un·e CPE, un adulte de confiance soit attentif à sa situation.

  • À voir : Le Sexotuto sur l’inceste, sur Lumni. Dans la coloc, l’adoption d’une nouvelle plante baptisée “Trucmuche” ouvre la discussion sur les relations familiales et le tabou de l’inceste. Les explications d’Ambre et Eddy aident à briser le silence.
Capture d'écran du Sexotuto sur l'inceste, à voir sur Lumni. Livret Stop aux violences sexuelles. Phosphore n°549, 1er mars 2023.

Les violences sexuelles en chiffres

Chaque année, plus de 28 000 mineurs portent plainte pour violence sexuelle.
• 1 femme sur 5 et 1 homme sur 13 sont victimes de violences sexuelles dans le monde.
• 81 % des violences sexuelles débutent avant 18 ans, en France.
• Ces violences ont lieu dans tous les milieux.

Sources : OMS, ONPE, IVSEA


Merci à Mélanie Dupont, psychologue à l’unité médico-judiciaire de l’hôpital Hôtel-Dieu et présidente du centre de victimologie pour mineurs, et à Anaïs Corbion, avocate au barreau de Paris.

Stop aux violences sexuelles”, un livret du magazine Phosphore n°549, 1er mars 2023. Textes : Apolline Guichet. Illustrations : Alix Garin.

Bayard s’engage pour protéger les enfants contre les violences sexuelles

Pour trouver les mots justes et les informations adaptées pour protéger les enfants plus jeunes, Bayard Jeunesse met à votre disposition deux autres livrets réalisés avec des médecins et des psychologues spécialisés. Destinés aux 3-6 ans et aux 7-13 ans, ils peuvent être téléchargés gratuitement sur le site bayard-jeunesse.com/infos.

Violences sexuelles : comment protéger les enfants et les adolescents ? Trois livrets Bayard Jeunesse pour les 3-18 ans