« J’m’ennuie… J’sais pas quoi faire… » Si vous avez un(e) ado à la maison (ou que vous êtes fan de Godard), ce refrain ne vous est sans doute pas inconnu… Okapi, le magazine Bayard Jeunesse des collégiens et des collégiennes, donne des outils à votre enfant pour comprendre cette émotion qui peut se révéler très profitable quand on arrive à la surmonter. Nos conseils pour l’encourager et l’accompagner…
Si l’ennui a toujours été associé à l’adolescence (plus de 9 ados sur 10 en ont fait l’expérience, selon une étude américaine de 2017), le phénomène s’amplifie largement ces dernières années en raison de la place grandissante du numérique dans nos vies, et dans les leurs.
Le lien est bien connu. Sursollicités par ce que leur proposent les réseaux sociaux ou les jeux en lignes, les collégiennes et collégiens ont l’habitude de voir leur temps d’ennui, démultiplié par rapport à ce qu’il était dans l’enfance, aspiré par l’écran devant lequel ils passent en moyenne trois à cinq heures par jour ! Or, sitôt qu’ils en sont privés, notamment au collège ou en cas de confiscation par les parents, c’est à l’inverse un manque profond qui s’exprime. « Je m’ennuie tout le temps. Je suis fille unique, et quand je demande à mes parents ce que je peux faire, ils n’ont pas d’idée. Du coup, je reste sur mon lit à ne rien faire pendant longtemps. Je n’en peux plus ! », écrit ainsi Lila, 12 ans, qui ne cache pas son désarroi.
Pourquoi s’ennuie-t-on à l’adolescence ?
Face à cette évolution, Okapi prend l’ennui à bras-le-corps et tente d’aider ses lectrices et lecteurs à le surmonter dans son numéro du 1er juin 2025. À lire aussi en intégralité ci-dessous, l’article rempli d’explications sur les principales interrogations – pourquoi on s’ennuie en classe, pourquoi le temps passe plus lentement quand on s’ennuie… – les aide à comprendre pourquoi l’ennui naît particulièrement à cet âge, comme l’illustre le film Vice et Versa 2. Et en quoi le fait de toujours chercher à le combattre par de la suractivité n’est pas vraiment la bonne solution.
Chaque parent le sait : lorsque l’ennui s’immisce dans nos journées, il n’est pas en soi une mauvaise nouvelle, dès lors que l’on sait l’accueillir et le mettre à profit. Comment ? Vis-à-vis de nos ados, la réponse la plus évidente n’est pas forcément la plus facile à entendre : « Et si tu en profitais pour ranger ta chambre / reprendre le livre que tu avais commencé le mois dernier / te reposer vraiment ? »
L’ennui, chance ou punition ?
Comme le sommeil, leur explique Okapi, l’ennui est pourtant fort utile. Il permet à la fois de digérer et d’assimiler tout ce que l’on apprend, et de laisser son esprit vagabonder, rêvasser librement, sans sollicitation imposée. Une chance, même si beaucoup l’appréhendent comme une punition ! Et pourtant, nombre d’artistes ou de personnes qui ont développé une activité créative le disent : les moments d’ennui qu’ils ont vécus plus jeunes – ou encore aujourd’hui – sont souvent ceux où les idées neuves émergent. Et ces longues heures sans activité imposée se révèlent au final très productives !
Lorsque l’on est parent, toutefois, positiver ainsi l’ennui ne suffit le plus souvent pas. D’une part, il faut être en alerte s’il se présente trop régulièrement, comme un leitmotiv quotidien qui masquerait un sentiment plus profond d’angoisse et de mal-être, ce que constatent désormais nombre de pédopsychiatres consultés pour ce sujet. Créer la confiance, se montrer compréhensif, laisser naître une discussion… Autant de pistes qui peuvent alors se révéler très précieuses.
Et si on passait à l’action ?
Dans les situations moins critiques, il convient aussi de savoir laisser du temps à son ado pour intégrer son ennui, l’éprouver. Et l’accompagner ensuite, en profiter pourquoi pas pour lancer un sujet de discussion plutôt que l’accabler de reproches parce qu’il/elle serait incapable de s’occuper. Tu ne sais pas quoi faire ? Tant mieux ! Et le cas échéant, plutôt que de le/la renvoyer à ses devoirs et révisions, pourquoi ne pas l’épauler pour l’aider à mettre en œuvre une envie qui émergerait dans un tel moment, ou dont il/elle aurait déjà fait part : envie d’agir, de se sentir utile aux autres. Ou simplement de s’essayer à une activité, de faire du sport, de tenter une recette nouvelle…
Bref, et si on passait à l’action ? Rappelons que l’ancien pape François avait, à plusieurs reprises lors de son pontificat, appelé les jeunes à vaincre l’ennui en vivant plus intensément, en s’engageant pour leurs semblables, pour la nature. S’engager : une belle manière de se fatiguer… sans s’ennuyer, disait-il. Une belle preuve de confiance placée dans la jeunesse, au demeurant. Et un très bon moyen, sans doute, d’accueillir ce moment plombant pour la vie de toute la famille, en le dépassant et en tentant d’impliquer tout le monde.
Jean-Yves Dana, rédacteur en chef d’Okapi

L’adolescence, période ennuyeuse ?
La période de l’adolescence explique (en partie) pourquoi tu t’ennuies. Tu es tiraillé(e) entre la nostalgie de ton enfance, un avenir incertain, l’évolution de ta personnalité et la difficulté à exprimer tes sentiments. Tu aimerais passer à l’action, être utile et avoir ta place dans ce monde mais tu ignores quoi faire ! Alors, face à autant d’incertitudes, face à la peur d’échouer, la solution la plus simple est de se renfermer sur soi et d’attendre. Bref : de s’ennuyer.
Activités extrascolaires, écrans… : attention au trop-plein de sollicitations !
Peut-être fais-tu partie des collégien(ne)s qui multiplient les activités sportives et/ou culturelles presque tous les soirs de la semaine, ainsi que le week-end, et qui passent beaucoup de temps sur les écrans, sur lesquels il n’y a pas de limite à la quantité d’images inédites et, donc, pas de place pour l’ennui. Et si on t’enlève tout ça… c’est la toile blanche, tu ne sais plus quoi faire. Tu es comme dans Vice-Versa 2, où l’ennui est illustré de façon mémorable sous les traits d’une ado apathique et blasée, toujours étendue sur un canapé.
Les bienfaits de l’ennui
Ça risque de te surprendre mais, à dose raisonnable, l’ennui présente des avantages ! Tu peux le considérer comme un moment de pause : il donne à ton cerveau l’occasion de respirer, de s’arrêter un instant, de ralentir. En clair, de se reposer ! Comme le sommeil, il te permet de traiter et d’intégrer de nouvelles informations. Mais pour que cela soit possible, il faut laisser ton esprit vagabonder plutôt que de te tourner vers ton téléphone ou ta console dès que tu ne sais pas quoi faire.
Ennui + créativité = le combo gagnant !
Ces moments de calme que tu appelles ennui peuvent déboucher sur de la créativité, si tu les laisses exister… Quand tu ne fais rien, ton cerveau part dans toutes les directions. Il passe en “mode par défaut” (véridique !). De quoi favoriser l’émergence d’idées neuves. Quand cette situation se présente, saisis-toi d’une feuille blanche et commence à écrire ou à dessiner ce qui te passe par la tête. Tu seras peut-être étonné(e) par ce que tu sauras produire !
Et si ce n’était pas de l’ennui ? Quand faut-il s’inquiéter ?
Si, dans ton ennui, tu ne veux plus sortir de chez toi, si tu te sens profondément triste et rempli(e) d’idées noires, alors ce que tu nommes “ennui” est peut-être d’une autre nature. Il peut masquer un mal-être plus sérieux que tu ne le crois. Discuter avec tes proches, aller voir un(e) professionnel(le) de santé… est alors bienvenu. Quand le moral est au plus bas, il n’y a pas de honte à rechercher du soutien auprès de toi !
L’ennui en classe, ça signifie quoi ?
Cela peut être dû à des facilités que tu aurais dans une matière : comme tu comprends vite l’exercice à réaliser, tu t’ennuies à force d’attendre les autres élèves et tu combles ton ennui en bavardant ou en pensant à autre chose, ce qui peut être agaçant pour ton/ta prof, voire pour les autres élèves. Tu peux aussi t’ennuyer, à l’inverse, parce que tu ne comprends pas le cours et tu n’oses pas le dire devant toute la classe. Cela te démotive et cela nuit à ton estime personnelle… Dans les deux cas, en parler avec tes parents et prendre un rendez-vous avec eux et ton/ta prof principal(e) peut être un bon moyen pour que chacun ait conscience du problème, et trouver des solutions.

Vaincre l’ennui, c’est possible !
En lisant ce dossier d’Okapi, tu as compris “pourquoi” tu t’ennuyais. Mais savoir “comment” ne plus s’ennuyer, c’est mieux ! Le top, c’est de stimuler ton esprit en apprenant des choses nouvelles sur un domaine qui te passionne. Ou en agissant pour une cause importante à tes yeux. Sais-tu que le pape François, décédé en avril 2025, appelait les jeunes à vaincre l’ennui en vivant plus intensément, en s’engageant pour leurs semblables, pour la nature ? S’engager : une belle manière de se fatiguer… sans s’ennuyer !
Pourquoi le temps passe-t-il plus lentement quand on s’ennuie ?
Marie de Montalembert, docteure en psychologie : « On parle de distorsion temporelle »
« L’estimation des durées est en grande partie liée à nos émotions et aux activités que nous pratiquons. Quand on s’ennuie, on a tendance à ruminer ou à être triste. On attend que la journée avance, on regarde sa montre sans arrêt et cela engendre ce sentiment du temps qui ne s’écoule pas. C’est ce que ressent bien sûr en premier lieu l’élève qui s’ennuie au collège… On parle de distorsion temporelle car, en réalité, le temps passe exactement de la même manière. Seul notre jugement est perturbé, car plus on fait attention au temps, et plus on a l’impression qu’il passe lentement. Le mieux à faire serait d’enlever nos montres, d’arrêter de consulter notre téléphone ! Et, simplement, d’essayer d’être un peu plus attentif(ve) en cours… »
« Je m’ennuie tout le temps » : des ados écrivent à Okapi…
• « Je suis franco-allemande et ma mère m’a obligée à faire allemand en LV1. Du coup, je m’ennuie beaucoup pendant ces cours… » Anonyme (fille)
• « Je m’ennuie à l’école et tout le monde me dit que je suis une grosse intello parce que j’ai toujours des bonnes notes. Ma mère a pris rendez-vous pour moi chez un psy, mais j’ai un peu peur. Aidez-moi. » Lola, 12 ans
• « Je m’ennuie continuellement dans la vie. Rien ne m’intéresse, j’ai l’impression de perdre mon temps en cours, et même avec mes amis. Je me dis que ça changera au lycée, mais je n’y crois pas trop. Une idée ? » Anonyme (gars)
• « Je m’ennuie tout le temps. Je suis fille unique, et quand je demande à mes parents ce que je peux faire, ils n’ont pas d’idée. Du coup, je reste sur mon lit à ne rien faire pendant longtemps. Je n’en peux plus ! » Lila, 12 ans
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« Comment vaincre mon ennui ? », article extrait du magazine Okapi n° 1223, 1er juin. Texte : Jonathan Konitz. Illustrations : PrincessH.
