Troubles du comportement alimentaire : comment aider nos ados à s’en sortir
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Troubles du comportement alimentaire : comment aider nos ados à s’en sortir

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En cette semaine de sensibilisation aux troubles des conduites alimentaires (TCA), lumière sur ces pathologies qui constituent la deuxième cause de mortalité prématurée chez les 15-24 ans. Le tabou reste grand, surtout lorsque les parents sont eux-mêmes concernés. Alors, comment éviter de transmettre nos propres fragilités à nos enfants ? Quels sont les symptômes d’un TCA et quand s’en alerter ? Conseils d’expertes. 

En France, près d’un million de personnes souffrent de troubles des conduites alimentaires (TCA). Ils se caractérisent par une pratique alimentaire anormale combinée à une grande souffrance psychique et de graves conséquences sur la santé. On compte trois principales pathologies : 

  • L’anorexie mentale, caractérisée par une alimentation insuffisante par rapport aux besoins physiologiques et un refus de prendre du poids, conséquence d’une perception perturbée de l’image de son corps.
  • La boulimie, qui correspond à des crises compulsives où le patient ingère de grandes quantités de nourriture en peu de temps, suivies par des comportements compensatoires inappropriés tels que des vomissements, un jeûne, ou la pratique excessive d’exercices physiques. 
  • L’hyperphagie boulimique, aussi appelée « accès d’hyperphagie », se présente sous forme d’épisodes récurrents de crises de boulimie, sans comportements compensatoires associés.
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Il existe d’autres pathologies plus rares, comme l’alimentation hypersélective, qui consiste par exemple à ne manger que des aliments d’une couleur, l’orthorexie, qui repose sur le désir de ne se nourrir que d’aliments sains, ou encore le pica, soit l’ingestion compulsive de substances non nutritives et non comestibles.

“Fais attention à ce que tu manges”

C’est à l’adolescence que ces troubles apparaissent le plus souvent, et leurs conséquences sur les jeunes sont sans appel : les TCA constituent la deuxième cause de mortalité prématurée chez les 15-24 ans, juste après les accidents de la route. « Dans notre société, la minceur, voire la maigreur, chez les femmes, et la musculature chez les hommes, sont ultra-valorisés, énonce Charlyne Buigues, infirmière spécialisée en TCA. Il arrive alors que, malgré eux, certains parents transmettent leur propre mal-être à leur enfant. »

La jeune femme, derrière le compte Instagram @aucoeurdesTCA insiste sur le rôle des adultes dans la perception que les grands enfants et les ados ont d’eux-mêmes. « Des phrases comme “fais attention à ce que tu manges”, “es-tu sûr de vouloir te resservir ?” et de manière générale le fait de parler de poids et d’alimentation de façon négative peuvent avoir des conséquences désastreuses sur la santé mentale des plus jeunes. »

Selon une étude menée par des chercheurs australiens en 1990*, l’insatisfaction corporelle commence aux alentours de 9 ans chez les filles. D’où l’importance de parler d’alimentation avec son enfant sans complexe ni culpabilisation, et de veiller à toujours renvoyer une image positive de son corps et de sa personne dès le plus jeune âge.

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TCA : Les dangers des réseaux sociaux

Au cœur de l’actualité, la tendance SkinnyTok n’est pas sans conséquence sur la santé mentale des adolescents, très présents sur TikTok – le réseau où est né ce mouvement. Des vidéos faisant l’apologie de la maigreur incitent les internautes, souvent mineurs, à s’imposer un régime drastique, voire à arrêter de s’alimenter. « Le SkinnyTok peut être un facteur favorisant le développement d’un TCA chez quelqu’un de fragile, un adolescent en particulier, confirme Corinne Blanchet, médecin endocrinologue-nutritionniste et co-présidente de la Fédération Française Anorexie Boulimie (FFAB). C’est pourquoi nous travaillons à la mise en place d’une filière de soins assez structurée et visible en France pour que l’on puisse adresser le patient le plus rapidement possible à un spécialiste. La prévention primaire est aussi importante que le repérage précoce des troubles et leur traitement est un aspect absolument primordial. »

Pour nous parents, trois symptômes doivent alerter

Pour déceler si son ado est concerné par un TCA, il existe trois types de comportements qui doivent alerter. « D’abord, détaille Corinne Blanchet, si l’adolescent décide de façon brutale et drastique de modifier sa conduite alimentaire, en excluant une famille d’aliments par exemple. Il y a ensuite les modifications massives et accélérées du poids, dans un sens ou dans l’autre. Un ado n’est pas censé perdre ou prendre plus de quelques kilos. Si la perte ou la prise de poids est conséquente, ce n’est pas normal. Enfin, si l’ado est émotionnellement instable, irritable, a tendance à s’isoler ou à surinvestir une activité sportive… c’est également l’un des symptômes. Si l’on constate ces trois changements chez son ado, cela est très évocateur d’un TCA. Il faut alors consulter un professionnel. »

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TCA : vers qui se tourner ? 

Parmi les spécialistes vers qui se tourner, il y a bien sûr le médecin traitant, mais ce dernier n’est pas toujours formé à ces pathologies. Il existe alors des médecins de l’adolescence, que l’on retrouve généralement dans des services hospitaliers spécialisés, comme la Maison de Solenn à l’hôpital Cochin – où exerce Corinne Blanchet.

On peut également se rapprocher d’associations comme l’Union Solidarité Anorexie Boulimie, présente de manière locale un peu partout en France hexagonale ou encore la Fédération Française Anorexie Boulimie, qui a mis en place une ligne téléphonique dédiée (appel non surtaxé au 09 69 325 900). Charlyne Buigues tient à faire passer un message aux parents concernés : « Même si vous faites au mieux, n’hésitez pas à faire appel à des professionnels de santé spécialisés au moindre doute. Une détection précoce d’un trouble alimentaire augmente les chances de guérison. » 

Yasmine Choukairy

*Tiggemann, M., & Pennington, B. (1990). The development of gender differences in body-size dissatisfaction. Australian Psychologist.