@Illustration : Adrià Fruitós. Israël-Palestine : on répond à toutes vos questions, article extrait du magazine Phosphore n°567, 1er janvier 2024.
© Illustration : Adrià Fruitós.

Israël-Palestine : Phosphore répond aux questions des ados

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Vos ados ont forcément entendu parler de l’attaque terroriste sans précédent menée par le mouvement islamiste palestinien Hamas en Israël, le 7 octobre 2023. Un événement qui ravive un conflit inextricable, vieux de plus de 75 ans… Pour aider vos lycéens à y voir plus clair, la rédaction de Phosphore, épaulée par des experts, répond à des questions que se posent des 15-18 ans.

Quelle est l’origine du conflit israélo-palestinien ?

@mathi.prch

Elle se résume en ces mots : une terre, deux peuples. À la sortie de la Première Guerre mondiale, l’Empire ottoman (allié de l’Allemagne) perd la région de la Palestine au profit des Britanniques. Ces derniers ont promis à la communauté juive la création d’un foyer national en Palestine, répondant ainsi au désir des mouvements sionistes, qui souhaitent rassembler le peuple juif sur leur terre d’origine, en Palestine. Les premiers colons juifs arrivent dès 1919.

En 1945, suite à la victoire des Alliés, l’ONU, tout juste née, doit prendre une décision concernant le Proche et le Moyen-Orient. Elle recommande de créer deux États : un pour les Arabes et un pour les Juifs, rescapés des massacres de la Seconde Guerre mondiale, comme une sorte de compensation. En 1947, ce plan de partage de la Palestine est voté, plaçant la ville de Jérusalem sous contrôle international.

L’arrivée de nouveaux colons juifs dans la région, où vivait déjà une population arabe, va évidemment bousculer l’équilibre des forces. Les populations arabes rejettent ce plan et une guerre civile démarre. Cela n’empêche pas l’État d’Israël de voir le jour, le 14 mai 1948… 900 000 Palestiniens doivent alors quitter leurs terres. Depuis plus de 75 ans, le problème inextricable est d’arriver à faire cohabiter sur un même territoire deux États qui ne veulent pas l’un de l’autre.

Peut-on dire qu’Israël colonise la Palestine ?

Arthur

Il faut faire la différence entre le terme « colonies » utilisé pour désigner les territoires occupés et administrés par une nation en dehors de ses frontières (comme les colonies françaises en Afrique, au XVIIIe siècle), et les communautés installées par les Israéliens en Cisjordanie. « Plutôt que “coloniser”, il vaut mieux utiliser le terme “occuper”, car Israël n’a pas pour objectif d’assimiler à sa culture les populations palestiniennes locales… C’est même plutôt le contraire ! », souligne Sylvaine Bulle, sociologue à l’École des hautes études en sciences sociales.

On parle donc plutôt d’une occupation des territoires palestiniens. Et ce depuis la « guerre des six jours » : le 5 juin 1967, Israël intervient militairement face à l’Égypte, la Syrie et la Jordanie, pays arabes qui massent des troupes aux frontières d’Israël, en soutien aux Palestiniens. Vainqueur, Israël occupe le Sinaï, la bande de Gaza, la Cisjordanie le plateau du Golan et Jérusalem-Est… En bref, la totalité de la Palestine.

L’image de l’État hébreu se ternit alors dans de nombreux pays. Israël s’est retiré de la bande de Gaza en 2005. Mais 475 000 Israéliens vivent illégalement dans des colonies en Cisjordanie, alors que celle-ci est palestinienne, selon le droit international. Ce territoire est de fait sous contrôle israélien. Il en est de même à Jérusalem-Est car Israël considère la ville comme sa capitale.

En Cisjordanie, Har Homa est une colonie israélienne, située dans la partie sud de Jérusalem-Est. Israël-Palestine : on répond à toutes vos questions, article extrait du magazine Phosphore n°567, 1er janvier 2024.
En Cisjordanie, Har Homa est une colonie israélienne, située dans la partie sud de Jérusalem-Est.
@ Menahem Kahana/AFP.

C’est quoi le Hamas ?

Channavy

Créé en 1987, le Hamas était, à l’origine, un mouvement islamiste de résistance face à l’occupation militaire israélienne en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Son objectif était de «réislamiser» la société pour reconquérir la Palestine. Aujourd’hui, face aux méthodes extrêmes employées, une trentaine de pays dans le monde, dont la France, le considèrent comme un groupe terroriste.

Le Hamas a deux objectifs majeurs :
1• Détruire Israël.
2• Instaurer un État islamique dans les frontières historiques de la Palestine du XIXe siècle, avec Jérusalem pour capitale.

Il s’est opposé aux accords de paix proposant une solution à deux États, signés le 13 septembre 1993 entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (parti au pouvoir à l’époque). « Le Hamas a contribué à faire échouer ces accords, en recourant à des attentats-suicides visant des civils israéliens », décrypte Laëtitia Bucaille, professeure de sociologie politique à l’Institut national des langues et civilisations orientales. Le Hamas s’oppose au Fatah, l’autre mouvement politique palestinien. En 2006, le Hamas a remporté les élections dans la bande de Gaza, mais depuis aucune élection n’a eu lieu. Il gouverne toujours ce territoire de 365 km2, sorte de prison à ciel ouvert pour ses 2,2 millions d’habitants. Tandis que le Fatah, via l’Autorité palestinienne et son président Mahmoud Abbas, gère la Cisjordanie et Jérusalem-Est.

À Gaza, le 4 octobre 2023, des militants du Djihad islamique palestinien participent à un défilé militaire anti-israélien. Israël-Palestine : on répond à toutes vos questions, article extrait du magazine Phosphore n°567, 1er janvier 2024.
À Gaza, le 4 octobre 2023, des militants du Djihad islamique palestinien participent à un défilé militaire anti-israélien.
© Mohamed Salem/Reuters.

Est-ce qu’une guerre a officiellement été déclarée ?

Vinciane

Depuis le 7 octobre 2023, on peut parler de « guerre » entre Israël et le Hamas. Ce jour-là, le mouvement islamiste a mené une attaque terroriste sans précédent en Israël, avec des frappes aériennes et l’envoi d’assaillants par la terre et la mer. 2 000 à 3 500 combattants islamistes ont pénétré sur le territoire israélien, faisant 1 400 morts côté israélien. « Tout ça en quelques heures… C’est la journée la plus meurtrière dans l’histoire d’Israël, note Marc Hecker, directeur de la recherche et de la valorisation de l’Institut français des relations internationales. Tuer les jeunes participants d’une rave party rappelle les attentats du 13 novembre 2015 au Bataclan, égorger des civils fait penser aux vidéos de propagande de Daech… ».

Ce jour-là, au moins 240 civils (hommes, femmes et enfants) et militaires, dont plusieurs Français, ont été pris en otage. « C’est un outil de négociation pour exiger la libération de la totalité des prisonniers palestiniens », analyse Marc Hecker. Le Hamas se sert aussi des otages comme boucliers humains.

Le 11 octobre, des Israéliens tentent de se protéger des tirs de roquettes du Hamas à Ashkelon, dans le sud d’Israël. Israël-Palestine : on répond à toutes vos questions, article extrait du magazine Phosphore n°567, 1er janvier 2024.
Le 11 octobre, des Israéliens tentent de se protéger des tirs de roquettes du Hamas à Ashkelon, dans le sud d’Israël.
@ Leo Correa/AP/SIPA.

Tous les Palestiniens sont-ils d’accord avec le Hamas ?

Diane

Non, loin de là. « Il y a un soutien unanime des Palestiniens à la résistance armée, au fait d’avoir le droit en tant que population colonisée de mener des actions contre Israël, commente Thomas Vescovi, chercheur indépendant en histoire contemporaine. Mais ce n’est pas la même chose que de défendre un groupe aux méthodes terroristes. Une majorité des Palestiniens clament que leur combat ne peut pas rimer avec autant de sang versé par des innocents. »

À Gaza, des Palestiniens fuient, après les frappes israéliennes, le 13 octobre 2023. Israël-Palestine : on répond à toutes vos questions, article extrait du magazine Phosphore n°567, 1er janvier 2024.
À Gaza, des Palestiniens fuient, après les frappes israéliennes, le 13 octobre 2023. @ Mahmud Hams/AFP.

Comment réagissent les pays occidentaux ?

Antoine

Par son horreur, l’attaque du 7 octobre a suscité une vague de soutien à Israël dans les pays occidentaux. Le président américain Joe Biden et Emmanuel Macron se sont notamment rendus en Israël en signe de solidarité. « Historiquement, il faut rappeler que ce sont les pays occidentaux, par le biais de l’ONU, qui ont œuvré pour la création de l’État israélien. Côté américain, il y a aussi l’idée que c’est un allié indéfectible dans une région où les pays ne sont pas favorables aux intérêts des États-Unis », analyse Thomas Vescovi. 

« Depuis des décennies, des chercheurs constatent les crimes et violations des droits de l’Homme envers les Palestiniens commis par Israël ; homicides illégaux, emprisonnements, confiscation de terres… » complète Laëtitia Bucaille. Après le 7 octobre, plus de 15 000 Palestiniens ont été tués dans les bombardements lancés par Israël (selon le Hamas, au 1er décembre). « Rien ne saurait justifier » les « souffrances » des civils à Gaza, a assuré Emmanuel Macron en rencontrant le président de l’Autorité palestinienne, avant d’exprimer sa solidarité à l’État hébreu lors d’une réunion avec Benjamin Netanyahu.

Le 24 octobre dernier, Emmanuel Macron s’est rendu à Jérusalem pour rencontrer le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Israël-Palestine : on répond à toutes vos questions, article extrait du magazine Phosphore n°567, 1er janvier 2024.
Le 24 octobre dernier, Emmanuel Macron s’est rendu à Jérusalem pour rencontrer le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. © Christophe Ena/AFP.

C’est quoi le lien avec le Qatar ?

Diane

Le Qatar n’a pas de pétrole, mais il est richissime grâce à une nappe de gaz naturel, ce qui lui donne la capacité (unique au Proche-Orient) de parler avec tout le monde, le Hamas, Israël et les Occidentaux. Comme il est inenvisageable que le Hamas et Israël négocient ensemble concernant la libération des otages, l’État du Qatar sert d’intermédiaire.

Idéologiquement, il est très proche du Hamas, dont il est le principal soutien financier. En outre, le chef politique du Hamas, Ismaël Haniyeh, vit en exil dans la capitale qatarienne depuis 2019. Le Qatar a joué les négociateurs et a permis d’obtenir un accord sur les otages. À l’heure où nous écrivons, 110 otages ont été relâchés par le Hamas, en échange de la libération par Israël de 240 prisonniers palestiniens. La trêve a duré 7 jours et a permis l’entrée de convois humanitaires et d’aide d’urgence à Gaza. Mais depuis le 1er décembre, les combats ont repris et 136 otages sont toujours détenus par le Hamas.

Quelles sont les répercussions en France ?

Clément

Pendant les semaines qui ont suivi l’attaque du Hamas, plus de 1 500 faits antisémites (contre 436 en 2022) ont été recensés par le ministère de l’Intérieur. « Le conflit israélo-palestinien a toujours suscité beaucoup d’émoi dans notre pays, qui abrite les plus grandes communautés juives et musulmanes d’Europe, souligne Laëtitia Bucaille. On peut craindre une progression de ces actes, mais aussi des tensions et amalgames envers les musulmans. »

La violence de l’attaque terroriste du 7 octobre a choqué les Français mais la riposte israélienne a également indigné. Dans le pays, des manifestations ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes, pour réclamer un « cessez-le-feu immédiat à Gaza ».

Une marche silencieuse pour la paix au Moyen-Orient s’est tenue à Paris, le 19 novembre. Israël-Palestine : on répond à toutes vos questions, article extrait du magazine Phosphore n°567, 1er janvier 2024.
Une marche silencieuse pour la paix au Moyen-Orient s’est tenue à Paris, le 19 novembre. © Pascal Sonnet, Hans Lucas/AFP.

La paix est-elle possible ?

Louise

Une nouvelle phase du conflit a débuté le 7 octobre, et il ne risque pas de se résoudre du jour au lendemain. La question de la libération des otages kidnappés par le Hamas est cruciale. « La destruction du Hamas l’est aussi. Israël a déjà abattu une partie de ses infrastructures et de ses combattants, mais on ne sait pas si ce sera durable, indique Laëtitia Bucaille. À court ou moyen terme, on peut espérer que le pays acceptera ensuite de signer un cessez-le-feu et d’engager des négociations. »

Le scenario du pire serait de s’enfoncer dans une guerre terriblement meurtrière, avec des expulsions massives de Palestiniens. Les pays voisins pourraient aussi s’en mêler comme le Liban (via le mouvement islamiste Hezbollah), la Syrie et l’Iran. « La stratégie du Hamas était de déclencher une guerre totale et d’élargir le conflit, afin que la situation ne piétine plus. On va voir si c’est ce qui va se passer… », conclut Thomas Vescovi.

Le 28 novembre, une otage israélienne est accueillie à Tel Aviv par un membre de sa famille après sa libération par le Hamas. Israël-Palestine : on répond à toutes vos questions, article extrait du magazine Phosphore n°567, 1er janvier 2024.
Le 28 novembre, une otage israélienne est accueillie à Tel Aviv par un membre de sa famille après sa libération par le Hamas. @ Israel Army/AFP.

À lire, à voir, pour aller plus loin

Le livre. Une bouteille dans la mer de Gaza. Tal est israélienne, elle vit à Jérusalem. Naïm, Palestinien, vit dans la bande de Gaza. Via des échanges de mails, chacun essaie de comprendre la vie de l’autre. Un roman fort et touchant qui observe le conflit avec des yeux d’adolescents. De Valérie Zenatti (Éd. École des loisirs)
La BD. Histoire de Jérusalem, qui raconte comment Jérusalem est passée d’une petite bourgade isolée il y a à 4 000 ans à une agglomération de presque un million d’habitants, qui focalise aujourd’hui tous les regards. De Vincent Lemire et Christophe Gaultier (Éd. Les Arènes).
L’émission. Le Dessous des Cartes – « Spécial Israël-Palestine : combien de guerres », sur Arte.
L’article. 14 mots pour comprendre le conflit entre Israël et la Palestine, sur Bayard Jeunesse.

Les experts qui ont contribué à la réalisation de cet article : Laëtitia Bucaille, professeure de sociologie politique à l’Institut national des langues et civilisations orientales ; Sylvaine Bulle, sociologue à l’École des hautes études en sciences sociales ; Marc Hecker, directeur de la recherche et de la valorisation de l’Institut français des relations internationales ; Thomas Vescovi, chercheur indépendant en histoire contemporaine.
“Israël-Palestine : on répond à toutes vos questions”, article extrait du magazine Phosphore n°567, 1er janvier 2024. Textes : Lauriane Clément. Illustration : Adrià Fruitós.
Couverture du magazine Phosphore n°567, 1er janvier 2024