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Comment parler des actualités difficiles aux enfants (7-11 ans) ?

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Les mauvaises nouvelles sur les guerres, les drames… investissent rapidement les cours de récré et les oreilles de nos petits. À l’âge du primaire, les enfants ont besoin que des paroles soient posées, des explications données. Ce qui est loin d’être simple. La rédaction du magazine Astrapi et la psychologue Nadège Larcher vous donnent des pistes pour trouver les mots justes.

L’actualité nous a tristement habitués à chercher la moins mauvaise manière de parler aux enfants des violences qui frappent notre pays et le monde. Et pourtant, lorsque surgit un attentat, une guerre, nous sommes parfois encore démunis… Selon Nadège Larcher, psychologue, “entre 7 et 11 ans, les enfants sont trop grands pour passer à côté, et trop petits pour tout comprendre. Le défi est de trouver le juste équilibre entre ce qu’ils ont besoin de savoir ou non”. Or, dans ces moments de tension extrême, nous sommes aux prises avec nos propres émotions…  

Faut-il aborder le sujet ?   

Pourquoi les élèves tuent des profs ?”, “T’es pour l’Ukraine ou pour la Russie ?”, “C’est où, le Hamas ?”… Une chose est sûre, et ces phrases entendues ici et là en attestent : dès lors qu’une actualité envahit les médias, elle se retrouve dans les cours de récré. Par bribes, sous forme de rumeurs ou même de jeux… Les enfants ont donc besoin que des mots soient posés, des explications données. “Impossible de les mettre dans une bulle, affirme Nadège Larcher, et ce n’est de toute façon pas souhaitable, car la surprotection entraîne à terme la fragilité.” Mieux vaut donc aborder le sujet, en commençant par exemple ainsi : “Tu en as peut-être déjà entendu parler, il s’est passé quelque chose de grave dans l’actualité.”  

Quels mots employer ?   

“Je conseille de décrire la situation de façon succincte, en évitant le cours magistral, poursuit la psychologue. D’utiliser les vrais mots (guerre, attaque, morts…), mais sans s’appesantir sur les aspects morbides (la façon dont les gens ont été tués, les enfants qui ont pu être touchés…).” Parfois, à vouloir expliquer les choses clairement et concrètement – ce qui est essentiel – on a tendance à entrer trop dans les détails. “Ce que l’enfant doit avant tout retenir de cet échange, c’est qu’on est là pour répondre à ses questions, pour en reparler avec lui s’il en ressent le besoin, s’il entend des choses. Et aussi pour les gros câlins qui font du bien à tout le monde dans ces moments-là !” 

Doit-on couper les infos en leur présence ?   

“Nous voyons régulièrement des enfants, et même des adultes, traumatisés par des images, explique Nadège Larcher. Le cerveau ne fait pas bien la différence entre une vidéo et une scène réelle, les images sont donc à éviter à tout prix.” Les réseaux sociaux sont théoriquement interdits (et pour cause !) avant le collège. Mais si malgré tout, un enfant a vu des images violentes, incitons-le à exprimer son ressenti en lui disant : “Cela a dû te choquer !” Une règle sur les écrans a été enfreinte ? Ce n’est pas le moment de le sermonner ! Il faut gérer l’urgence et, en cas d’angoisse qui dure, ne pas hésiter à voir un psychologue.  

Comment les rassurer ?    

C’est la question la plus difficile. “Même si l’argument statistique («c’est rare») apaise parfois l’enfant, on ne peut hélas par lui promettre qu’il ne lui arrivera jamais rien, rappelle Nadège Larcher… Mais il doit retenir que nous sommes là pour le protéger.” La réassurance peut alors passer par des éléments concrets : après un attentat, lui décrire les mesures prises pour protéger les lieux publics ; à propos d’une guerre, lui montrer sur une carte la distance qui nous en sépare. “Ce dont il va toutefois avoir le plus besoin, insiste la spécialiste, c’est qu’on l’encourage à continuer à jouer, pendant que les adultes s’occupent des problèmes des adultes.” 

Doit-on exprimer notre ressenti ?  

“On peut tout à fait faire part à nos enfants de nos émotions, comme notre préoccupation ou notre colère. Mais attention à ne pas les prendre pour nos confidents !” Prudence aussi quant aux opinions tranchées défendues devant eux. “Les enfants d’âge primaire ne sont pas armés pour appréhender des actualités complexes. Maîtrisons notre communication pour ne pas leur charger l’esprit inutilement !” En revanche, c’est peut-être le moment de reparler en famille de nos valeurs de tolérance, de paix… Et de rappeler que certaines paroles (racistes par exemple) sont interdites, et que les enfants ont le droit de les dénoncer s’ils en entendent à l’école.  

Comment expliquer la violence ?  

Les enfants demandent souvent pourquoi il y a des méchants, pourquoi il y a la guerre… “Face à la cruauté, on est dans l’incompréhension, comme eux. Mais à 7 ans, ils commencent à être vraiment dans le monde. C’est le moment de leur faire passer un message qui les accompagnera toute leur vie : l’être humain est capable du pire, comme du meilleur. Il peut souffrir beaucoup, mais il a une extraordinaire force de réparation.” En leur montrant comment l’espoir et la solidarité aident à avancer, nous les armons pour devenir des citoyens conscients. Nous leur montrons que dans la vie, on ne peut pas éviter l’ombre, mais on peut chercher la lumière. Et nous les encourageons à avoir envie de grandir, même dans un monde compliqué. 

Marion Joseph, rédactrice en chef du magazine Astrapi